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profondément démoralisée par l’atmosphère ambiante, car sa chute sera brusque et imprévue, comme il arrive après un lent travail de désagrégation : elle prendra un amant, tout à coup, le premier venu, et se donnera à lui sur le premier canapé venu. Après quoi, elle n’aura aucune honte, aucune gêne de sa faute, et même, à l’occasion, elle s’en vantera. Et l’auteur, à la cantonade, lui donnera raison, puisque, dans l’état de nos mœurs, l’adultère de la femme est, paraît-il, le seul moyen qui nous reste pour garantir la paix des ménages. Passons aux rapports de ces parens avec leurs enfans. De quoi le fils s’entretiendrait-il avec sa mère, sinon du tourment que lui cause cet instinct qu’il sent s’éveiller en lui et qui va le faire marcher sur les traces de son père ? Quand on fournit une même carrière, on a des chances de s’y rencontrer. Une situation souvent ébauchée dans le théâtre de ces dernières années, mais présentée cette fois dans toute sa crudité, est celle du fils rival de son père. C’est le sujet même du Vieil homme. On entendra des phrases comme celle-ci : « Ton fils est amoureux de ta maîtresse. » Et le gamin précoce, par jalousie contre ce père qui lui est préféré, aboutira au suicide. Pour ce qui est de la jeune fille, on ne nous en montre plus qu’un seul type : l’effrontée. Et on nous laisse à conclure quelle conduite pourra bien tenir, une fois maîtresse de ses actes, celle qu’une déplorable éducation a formée à gouailler tout ce qui est un principe, une discipline, une retenue. Je ne dis rien d’un peuple de figurantes, indispensables pour meubler les réunions, à la ville et à la campagne, et dont la spécialité est de se dégrafer à première réquisition.

Forcément, ces égoïsmes, ces vanités, ces appétits entrent en conflit. Il y a, comme toujours au théâtre, des scènes, des discussions, des explications, des reproches, des menaces, des récriminations. C’est alors un déchaînement d’invectives, un chassé-croisé d’injures qui se répondent et s’apparient, un déballage d’horreurs. Chacun se déleste de tout ce qu’il avait sur le cœur, déverse, en un torrent fangeux, tout ce qu’il sait, tout ce qu’il imagine. À ces momens, on croit voir, réellement et matériellement, couler sur la scène un fleuve de boue. Des insultes on en vient aux coups. Les hommes se prennent à la gorge. Et, comme la nature les a faits plus forts que les femmes, ils usent largement vis-à-vis de leurs compagnes de cette supériorité qui sera, jusqu’à la consommation des siècles, un terrible achoppement pour le féminisme.

Les choses se passent ainsi, nous assure-t-on, dans les milieux aristocratiques ou bourgeois, chez les financiers, les industriels,