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moderne de la femme est encore un problème à peine posé. Le service militaire obligatoire emporterait bientôt le droit de vote : sans que nous ayons le loisir d’y insister ici, ce sont là des conséquences qu’il faut envisager avant de prendre aucune résolution précipitée. Nous avons en Algérie des sujets qui s’engagent volontiers comme soldats ; il est facile de multiplier, si l’on veut, les engagemens volontaires ; mais, si nettement partisans que nous soyons de l’association entre Français et indigènes, le moment ne nous paraît pas venu de changer le principe même de ce recrutement.


À côté des indigènes, 5 millions environ, la colonisation a fixé en Algérie plus de 800 000 Européens ; beaucoup de ceux-ci, la majorité, ne sont pas des Français d’origine, mais des Italiens, des Espagnols, des Maltais, etc., des Méditerranéens en général. La loi métropolitaine de 1889 naturalise Français, d’office, tous les fils d’étrangers nés en Algérie, s’ils ne revendiquent à leur majorité la nationalité paternelle. Avons-nous, de ce chef, à craindre un « péril étranger » en Algérie ? Ce n’est pas vraisemblable ; ces nouveaux Français fréquentent nos écoles ; ils font, dans nos régimens, leur service militaire ; ils sont pris très vite par la séduction irrésistible de ce sol neuf, dans lequel s’enracinent leurs intérêts ; les mariages mixtes, les rapports nécessaires avec des administrations toutes françaises, achèvent l’amalgame et c’est, sur la rive méridionale de la Méditerranée, une population néo-française qui grandit ; sa patrie commune, c’est l’Algérie elle-même ; le fils d’immigré, à Constantine ou à Oran, dira : « Je suis Algérien, « du même accent que son cousin, à Buenos-Aires, se déclarera carrément Argentin ; les ancêtres divers revivront ainsi dans des rejetons transplantés, greffes compréhensives et vigoureuses.

Mais la métropole n’en a qu’un devoir plus précis de marquer cette race composite des caractères essentiels de la mentalité française : ces néo-Français, différens par quelques traits de ceux de l’autre bord, doivent demeurer, au fond, des Français quand même, des représentans de notre esprit, des forces productrices de la France. L’enseignement est, à cet égard, un moyen décisif, surtout celui de l’école primaire. On a remarqué, dans le Sud algérien, que des indigènes, des colons français, des ouvriers espagnols avaient cessé de se regarder avec méfiance