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pendant tout le XVIe siècle le rêve de beauté de la Renaissance. Au Nord de l’Italie, le Corrège reprend l’art de Léonard de Vinci et de Raphaël. Venise, alors au faite de sa puissance, voit fleurir, avec Véronèse, Sansovino et Palladio, l’art le plus brillant que l’Italie eût jamais connu.

La France pas plus que l’Italie n’a de raisons pour suivre le mouvement romain : au moment où, en 1527, la Papauté a vécu les jours les plus tristes de son histoire, elle traverse au contraire une période des plus brillantes. Le règne de François Ier et celui d’Henri II furent des règnes de volupté artistique qui contrastent singulièrement avec la sévérité romaine. Le maître qui domine cet âge est cet incomparable Jean Goujon qui, par son charme et son élégance, égale Cellini lui-même, et qui a une distinction souveraine, un atticisme, que Cellini ne connaît pas. C’est le moment où Pierre Lescot crée ces magnifiques palais qui restent une des gloires les plus pures de l’architecture française. Lorsque Michel-Ange sculpte à Rome les dramatiques Tombes des Médicis, Jean Goujon et Germain Pilon évoquent encore les plus riantes divinités de l’Olympe.

L’apparition du protestantisme en France, et les guerres de religion qui en furent la conséquence, marquent le point de départ de l’âge nouveau. Nous allons assister en France, par suite de ces guerres civiles, aux mêmes phénomènes qui eurent lieu en Italie par suite des invasions des armées étrangères. Si l’art de Raphaël ne se continue pas à Rome, c’est le sac de cette ville qui en fut la cause ; de même en France ce furent les guerres de religion qui mirent fin à l’art de Jean Goujon et des maîtres de la Renaissance.

De toutes ces guerres, de toutes ces souffrances, va résulter, en France comme à Rome, mais un peu plus tardivement, un premier caractère, celui de la tristesse. Toute la grâce de la Renaissance va s’envoler. Et peu à peu nous verrons disparaître, soit dans les châteaux, soit dans les églises, toute la richesse ornementale qui était le trait essentiel de l’art de François Ier et d’Henri II.

Après les malheurs de la fin du XVIe siècle, le règne d’Henri IV fut un règne réparateur. En abjurant le protestantisme, en réconciliant les esprits si profondément divisés, il ramène en France la paix et la prospérité. Mais Henri IV n’est pas encore le Roi qui va faire pénétrer en France les idées de la