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à des ennemis imaginaires, généralisait et simplifiait, à tort, sur des interprétations tendancieuses de faits particuliers ; la métropole lui déniait le droit de devenir une société, elle descendait à n’être qu’une foule. Ce n’est pas seulement une crise économique ; c’est une crise sociale, autrement foncière et redoutable, qu’a conjurée l’institution du budget spécial.

Après la tourmente antijuive, il fallut aux gouverneurs généraux tout à la fois beaucoup de courage et de diplomatie pour réconcilier les belligérans de la veille et réunir sur un programme commun toutes les bonnes volontés. Ces qualités éminentes distinguaient précisément, sous des formes diverses, M. Paul Révoil et M. Jonnart ; à l’un comme à l’autre, elles assurèrent une popularité d’excellent aloi et conférèrent une autorité qui contribua beaucoup à instaurer le nouveau régime. Nommé par Waldeck-Rousseau en octobre 1900, M. Jonnart fut contraint par des épreuves douloureuses d’abandonner l’Algérie l’année suivante. M. Paul Révoil lui succéda ; dans un banquet de la Réunion d’études algériennes, en février 1902, il traçait, en termes heureux, le plan de l’action gouvernementale en Algérie, rendant justice au labeur des colons, promettant à tous les travailleurs une bienveillance active et raisonnée. Il n’agit pas autrement qu’il ne l’avait annoncé, mais des circonstances d’ordre politique abrégèrent sa mission ; ce fut M. Jonnart, en 1903, qui reprit la tâche lourde et passionnante à laquelle il s’est, pendant plus de sept années, donné à plein cœur.

Dès le vote du budget spécial, il semblait bien qu’en Algérie, le règne des politiciens eût fait son temps. Il n’était pas aisé, cependant, d’acclimater des mœurs nouvelles ; le gouverneur général devait dépenser un art délicat à ménager les transitions, d’autant plus que, dans la métropole, certains théoriciens de l’assimilation ne s’y employaient guère. Pendant l’hiver de 1902-1903, le Parlement fut saisi d’un projet de loi sur les « tribunaux répressifs, » et ce fut, pour les adversaires de cette forme de justice, l’occasion de diatribes empoisonnées contre les colons algériens. L’émotion fut vive, dans toute l’Algérie, au lendemain du procès des insurgés et assassins de Margueritte, — qui fut la condamnation la plus éclatante du vieux système judiciaire algérien. Il ne fallut rien moins, pour calmer ces légitimes colères, que le voyage en Algérie du Président de la