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le gouverneur général Laferrière estimait qu’il ne lui faudrait pas moins de 300 millions pour créer, à peu près de toutes pièces, l’outillage qui lui manquait ; elle n’inspirerait confiance aux prêteurs qu’en se montrant économe, sagement progressiste, de sorte que le budget spécial était un encouragement à une bonne politique financière ; il avait aussi l’avantage d’éclairer la métropole sur sa colonie, trop mal connue jusque-là ; l’expansion algérienne, nettement délimitée, apparaissait dès lors un des aspects les plus intéressans de la croissance nationale ; auparavant, cette perspective d’ensemble était fermée, parce qu’il n’était possible de la découvrir que par tiroirs, au fond des avenues de chaque service administratif.


Jamais il n’entra dans l’intention des législateurs de 1900 de récupérer ultérieurement sur l’Algérie ce que l’on pourrait appeler les frais d’éducation de son adolescence ; mais il est fort légitime que, l’ayant mise à même de vivre sa vie propre, la métropole s’inquiète de diminuer progressivement les sacrifices qu’elle lui coûte encore. Cet esprit, dont la générosité n’exclut pas la prévoyance, s’est exprimé notamment par la loi du 23 juillet 1904, qui a réglé en Algérie le nouveau régime des chemins de fer : l’Algérie a reçu par ce texte la libre disposition de ses réseaux ferrés, avec les charges correspondantes ; mais la métropole lui alloue, pour la dédommager des frais de la garantie d’intérêts, une subvention décroissante, fixée d’abord à 18 millions. Dès lors, maîtresse de ses chemins de fer, l’Algérie a pu en étudier la refoute et le développement ; puis elle n’est plus exposée, en 1926, à se trouver brusquement en face d’une annuité nouvelle de 15 à 20 millions à servir. Peut-être toutes les libertés corrélatives du budget spécial ne sont-elles pas encore conférées à l’Algérie ; mais la loi de 1904 marque un progrès décisif. Jusqu’alors l’Algérie, en matière de chemins de fer, était demeurée pratiquement rattachée, c’est-à-dire irresponsable et impuissante.

Depuis 1904, le budget spécial n’a subi aucune transformation capitale ; mais il s’est largement développé, comme un organisme sain et bien venu. La plus-value générale de l’Algérie, pendant les dix premières années du XXe siècle, a été rapide et vraiment admirable. La population, tant européenne qu’indigène, n’a cessé