Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/421

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prend à cet égard ses résolutions suivant ce qu’il estime conforme aux intérêts nationaux ; les Chambres lui donnent leur assentiment. Et dès lors, les Tribunaux ne peuvent, sans excéder leur compétence et violer la règle de la séparation des pouvoirs, ni juger, ni même examiner si cette souveraineté existe ou n’existe pas ; ils n’ont qu’à constater le fait gouvernemental de la reconnaissance. Comment n’être pas surpris, quel que soit le respect qui lui est dû, que la Chambre criminelle de la Cour de Cassation, s’appuyant sur un incident de l’histoire d’Italie, ait effacé trente-quatre années de la nôtre ? Comment n’être pas surpris qu’elle ait déclaré abolie depuis 1870 la souveraineté du Pape que notre gouvernement a reconnue, au moins jusqu’en 1904, par des manifestations répétées du caractère le plus explicite ?

Mais depuis 1904 ? dira-t-on peut-être. La Chambre criminelle ne pouvait-elle pas considérer qu’en rompant les relations diplomatiques avec le Pape, notre gouvernement avait cessé de reconnaître sa souveraineté ? L’erreur eût été certaine ; les événemens qui se sont produits en France depuis 1904 n’ont rien à voir avec la souveraineté du Pape, ils ne signifient nullement que, désormais, nous refusions de la reconnaître. Que s’est-il passé, en effet ? L’ambassadeur français a été rappelé du Vatican, et le nonce apostolique de Paris ; puis notre Parlement a voté la loi du 9 décembre 1905 qui substitue, dans les rapports de l’Église et de l’État, le régime de la séparation à celui du Concordat. Or il est de toute évidence, d’abord, qu’une rupture diplomatique entre deux puissances n’a jamais pour résultat de mettre en question la souveraineté de l’une d’elles. En cas de guerre par exemple, les deux puissances belligérantes rappellent leurs ambassadeurs, mais cela ne signifie nullement qu’elles cessent de reconnaître la souveraineté lune de l’autre. Entre la France et le Saint-Siège, puissance spirituelle, la rupture diplomatique ne saurait, à plus forte raison, avoir cette conséquence. Quant à la loi de séparation, c’est une loi de police intérieure qui n’a rien changé, et qui, pas plus que la loi italienne des Garanties, ne pouvait rien changer à la condition internationale de la Papauté. Elle est muette, même en ce qui nous concerne, sur la question de la souveraineté pontificale ; elle se borne à fonder en France un nouveau régime des cultes. Son caractère de loi strictement intérieure s’accuse même