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du Pape et de la reconnaissance que nous lui donnions se trouvait ainsi posée ; le ministre des Affaires étrangères faisait connaître son avis, et les Chambres, en lui accordant le crédit, ratifiaient son opinion dans le sens de la souveraineté pontificale. C’est dans ces conditions que Gambetta eut à se prononcer. Mais le débat le plus complet et le plus caractéristique se place en 1882, lorsque M. Duclerc était président du Conseil. Un amendement fut présenté par M. Madier de Montjau, proposant la suppression du crédit de l’ambassade ; M. Madier de Montjau soutint avec véhémence sa proposition, et contesta la souveraineté du Pape. Comme ministre des Affaires étrangères, M. Duclerc lui répondit, et voici, dans sa réponse, un passage qui mérite d’être cité :

« Avant les événemens qui ont mis fin au pouvoir temporel, le Pape était souverain de deux ou trois millions d’hommes. Croyez-vous que ce fût à ce souverain que la France envoyait des ambassadeurs ? Jamais la France n’a envoyé d’ambassadeurs à un souverain tel que l’était le Pape, comme prince temporel ; c’est au souverain pontife, représentant d’une grande puissance politique que les ambassadeurs étaient envoyés. Or, je vous demande si vous croyez que la puissance politique du Pape ait été diminuée par la suppression du pouvoir temporel ? J’estime qu’il n’est douteux pour personne que le Saint-Siège est encore actuellement une puissance politique, une aussi grande puissance qu’avant la suppression du pouvoir temporel. C’est donc au Pape, c’est au souverain pontife, à l’homme investi d’une grande puissance politique que les autres grandes puissances politiques de l’Europe envoyaient des ambassadeurs. C’est pour cela qu’après la perte du pouvoir temporel, elles ont persisté à lui en envoyer. »

Ce langage était tenu à la tribune, le 20 novembre 1882, M. Duclerc insistait : « J’ai dit et je répète que l’ambassade française auprès du Vatican est une nécessité de gouvernement pour la République ; » et la Chambre l’approuvait par 329 voix contre 132.

En 1895, Waldeck-Rousseau disait à son tour :

« La souveraineté ? On peut lire tout ce qu’ont écrit les écrivains du droit international public, on verra qu’elle se ramène à des idées bien simples ; elle naît du fait de l’influence qu’un État peut exercer sur la conduite des affaires extérieures, sur cette chose