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conditions qui définissent la souveraineté de droit commun, et qu’en conséquence elle ne mérite pas ce nom. L’autre manière, l’autre méthode consistent à relever dans la loi des Garanties ce qu’elle dit en termes exprès sur la condition reconnue au Pape, à constater qu’elle le traite en souverain, à conclure enfin que la suppression des États pontificaux, loin de rien changer à la souveraineté du Pape, a nettement marqué les raisons qui l’avaient fondée, et a même dégagé son véritable caractère : souveraineté unique dans sa nature, spirituelle en son principe et en son objet, temporelle par les honneurs et prérogatives qui lui sont attribués. Entre ces deux manières, entre ces deux méthodes, on peut juger laquelle a le plus de chance d’atteindre la vérité.

Mais, dit-on encore, quand même la loi des Garanties aurait cette signification, il reste que c’est une loi italienne ; et qu’il ne dépend pas d’un pays de créer des souverainetés, dont le caractère exige qu’elles soient reconnues par les autres nations.

Le contraire est beaucoup plus vrai, à savoir qu’il ne dépend pas d’un seul pays de détruire une souveraineté que tous les autres reconnaissent. Ses lois intérieures lui appartiennent, mais les lois internationales lui échappent ; l’Italie a toujours eu trop d’esprit politique pour ne pas s’en rendre compte. D’ailleurs, même chez elle, même dans cette loi strictement italienne des Garanties, l’indépendance souveraine du Saint-Siège lui était, en quelque manière, imposée. Le pouvoir spirituel du Pape n’avait été nullement affaibli par les événemens de 1870 ; les avis sont nombreux, au contraire, pour estimer qu’il était devenu plus grand que jamais. Les États ne pouvaient donc pas admettre que le représentant de cette puissance, qu’ils savaient s’exercer chez eux, devînt le sujet d’un autre État. Il leur eût été intolérable et dangereux de voir le Pape réduit à la condition de sujet italien. L’Italie l’a parfaitement compris : elle pouvait choisir entre deux partis, ou chasser le Saint-Père hors de son territoire, ou le garder, mais en respectant, en reconnaissant sa souveraineté. Elle a préféré le second et elle a bien fait. Elle n’a pas voulu et elle n’aurait pas pu en prendre un troisième, c’est-à-dire considérer le Pape, chez elle, dans Rome, comme un citoyen quelconque. Ainsi la loi des Garanties se présente comme une œuvre habile, en ce que le respect dont elle témoigne pour la situation internationale du Pape n’a