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suffira de rappeler que le privilège de l’extranéité mettra la personne du Saint-Père dans la condition d’un souverain,… que les ambassadeurs continueront à représenter auprès de lui les puissances et qu’il continuera d’avoir des nonces auprès de celles-ci… »

Ces promesses ont été exactement remplies. Le Pape vit son indépendance proclamée ; sa personne fut déclarée inviolable ; le Vatican, sa demeure, fut investi du privilège de l’exterritorialité. Tous les honneurs et prérogatives de la souveraineté lui furent reconnus. Et dès lors ne doit-on pas, même en droit strict, raisonner ainsi : « Le droit international n’admet que des sujets et des souverains ; le Pape n’est pas un sujet ; donc il est un souverain ? » La loi des Garanties permet et même commande ce syllogisme, car elle exclut, de la manière la plus énergique, la possibilité de considérer le Pape comme un sujet de l’Italie. Qu’est-il donc, sinon un souverain ?

Il est vrai, d’ailleurs, que cette souveraineté ne ressemble à aucune autre et c’est en quoi elle déconcerte les théoriciens. La personne du Pape est indépendante, inviolable, et cependant il ne règne sur aucun royaume. Le Vatican est traité, il n’a jamais cessé de l’être, comme une terre étrangère dans Rome et cependant l’Italie n’en a concédé que la jouissance au Saint-Siège. Les théoriciens auxquels nous faisons allusion en concluent que, si la loi des Garanties attribue au Pape tous les honneurs et lui reconnaît les prérogatives d’un souverain, il n’y a là qu’une ombre, qu’une fiction, à laquelle manque le corps même et qu’on ne peut assimiler à la souveraineté du droit international. De tels scrupules accusent un embarras qu’il serait plus simple de s’épargner. Pourquoi vouloir que cette souveraineté n’existe qu’à la condition d’être identique à toutes les autres ? Pourquoi ne pas admettre qu’elle est spéciale, parce qu’elle ne peut pas ne pas l’être ? Pourquoi ne pas voir enfin que la loi des Garanties a simplement consacré une situation séculaire et qu’elle s’est bornée à maintenir les attributs temporels d’une souveraineté qui était fondée historiquement sur une puissance spirituelle ? Les deux manières de comprendre, les deux méthodes de raisonner s’opposent l’une à l’autre. L’une consiste à prendre une règle de droit, comme les géomètres feraient d’un théorème, pour constater qu’elle ne s’applique pas à l’espèce, que la souveraineté du Pape manque de certaines des