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impérieuse des faits confirme cette vérité qui semblait pouvoir se passer de démonstration : si le Pape réunit longtemps en sa personne les deux qualités de chef de l’Église et de chef d’un État, la première seule motiva la reconnaissance de sa souveraineté, qui fut, ainsi, spirituelle essentiellement, temporelle accessoirement.

La Chambre criminelle déclare que la souveraineté du Pape a cessé d’exister par suite de la réunion des États pontificaux au royaume d’Italie, c’est-à-dire qu’elle dépendait de la possession de ces États. C’est un premier point où l’arrêt, comme on vient de le voir, se trouve en opposition avec les faits du passé. Il précise en même temps que la disparition de cette souveraineté se place à une date, à un moment donnés. L’événement de la dépossession, en lui-même, appartient à l’histoire : le Pape a été dépossédé de ses États après l’entrée des troupes italiennes dans Rome. Mais dans le droit public international a-t-il perdu, de ce fait, sa souveraineté ? A-t-il cessé, à cet instant précis, d’avoir la condition d’un souverain ?

L’arrêt l’admet comme suite de sa proposition première : « pas de souverain sans États. » Cette opinion est conforme à celle des doctrinaires italiens, et à celle de certains Allemands qui professent, en théorie, que les règles générales du droit ne permettaient pas d’autre solution. Outre que la prétendue souveraineté du Pape, disent-ils, manque désormais de fond, — territoire et nation, — il y a une raison décisive pour qu’elle n’existe pas dans le droit international : la loi du 13 mai 1871, dite loi des Garanties, a attribué au chef de l’Église une situation privilégiée ; mais c’est une loi politique, spéciale à l’Italie qui l’a faite et qui peut donc la changer demain, s’il lui plaît ; elle n’a aucune valeur internationale, puisque les nations ne l’ont pas consacrée par les actes habituels de reconnaissance.

Les faits sont encore une fois en opposition avec ce système juridique, dans lequel le droit abstrait fonctionne seul, comme s’ils étaient inexistans ou dénués de toute importance.

Le plus frappant résulte précisément de cette loi du 13 mai 1 871 où le jeune royaume d’Italie entendit donner à la personne du Pape des garanties. Avant qu’elle fût promulguée, M. Visconti-Venosta en définissait le but de la manière suivante :

« Les garanties que nous sommes prêts à offrir au Saint-Père sont de nature à satisfaire largement son indépendance : … il