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symbole a cessé d’exister, par suite de la réunion des États Pontificaux au royaume d’Italie… »

On ne saurait reprocher au langage de la Chambre criminelle ni la complication, ni l’ambiguïté ; la souveraineté du Pape n’existe plus, dit l’arrêt, par ce motif que le Pape n’a plus d’États. Tout le monde comprendra la pensée de la Chambre criminelle ; c’est un syllogisme qui peut se formuler ainsi : « Il n’y a de souveraineté que quand il y a un État ; or, le Pape n’a plus d’État ; donc il n’a plus de souveraineté. » Le raisonnement n’a de valeur et de solidité que par la première proposition sur laquelle il se fonde. Est-il vrai de dire : « Il n’y a de souveraineté que quand il y a un État ? » Sans doute, cela est vrai, d’une vérité générale ; c’est un principe certain du droit public qui règle les rapports des nations. Mais est-ce vrai pour le Pape ? Est-il exact que la souveraineté lui avait été reconnue comme effet de la possession d’un État, et, par suite, lui a été retirée en même temps que cet État lui était enlevé ? Il se pourrait qu’ici le raisonnement abstrait et la simple logique fussent gravement en défaut.

Les donations carolingiennes avaient établi le pouvoir temporel du Saint-Siège : avec les vicissitudes que l’on sait, ce pouvoir s’est maintenu durant plus de dix siècles, pour s’effondrer en 1870, quand les troupes italiennes pénétrèrent dans Rome par la brèche de la porte Pia. Pendant ce long temps, il y eut donc des États pontificaux et un souverain pour ces États : à l’intérieur, ce souverain exerçait les droits ordinaires, il battait monnaie, entretenait des soldats, levait des impôts ; à l’extérieur, tous les honneurs et prérogatives de la souveraineté lui étaient accordés par la plupart des gouvernemens. Cependant ses États étaient fort médiocres, sa force à peu près nulle ; et, dans l’ordre des ressources économiques et militaires, il restait assurément au dernier rang des souverains. Il était au contraire reconnu, sinon pour le premier, du moins pour un de ceux dont la bienveillance, l’amitié, la protection ne pouvaient être négligées sans inconvéniens, et il recevait en conséquence un traitement exceptionnel d’égards, d’honneurs, de respects auquel nul autre ne pouvait être comparé ; il envoyait dans plusieurs États et ceux-ci accréditaient auprès de lui, non des chargés d’affaires, mais des ambassadeurs choisis parmi les hommes capables de manier les plus grands intérêts. Il y avait