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et tes bonnes mains, et je te charge de faire mes caresses à l’excellent Coco[1]. FRANCIS.


Lundi matin.

Ma chère maman, ma bonne sœur, Mme de La Gravière et sa fille aînée sont arrivées hier au Breuil ; elles dîneront ce soir à Richebourg. D’ailleurs rien de nouveau. Un temps admirable, dont l’air, frais et léger par ici, tempère la grande chaleur. J’oublie vraiment tous les soucis de la vie littéraire au milieu de ce calme et devant cette riche et forte nature. Malgré la gravité de ces intérêts, je ne puis songer à l’Odéon devant la limpide clarté de ce charmant ciel de France, d’un azur si tendre et si doux, et je ne me rappelle *** que lorsque je rencontre une bande d’oies. D’ailleurs j’avais grand besoin de ce repos intellectuel, et je m’y abandonne sans remords. Depuis quelque temps, une tristesse maladive, une sorte de spleen m’envahissait. Le grand air et le plein ciel l’ont dissipé, et je m’en réjouis beaucoup. Je reviendrai d’ici, je l’espère, plus solide, plus prêt à la lutte et au travail.

Annette m’a paru un peu frappée par les mauvais symptômes qui se manifestent depuis quelque temps dans la santé de ma chance littéraire. Je ne saurais trop lui dire de s’armer de courage et de philosophie. Après tout, la fortune m’a déjà payé, et largement, ce que mon très faible mérite me permettait à peine d’espérer, en argent et en succès. Peut-être ses faveurs me seront-elles accordées de nouveau, mais, dans le cas contraire, je n’aurai pas encore le droit de me plaindre. D’ailleurs, on m’enlèvera difficilement ce que j’ai acquis, un nom, qui vaut à celui qui le porte l’estime du public éclairé et la facilité de gagner son pain.

Je ne vous écris tout ceci que pour le plaisir de bavarder avec vous, mes chères bonnes femmes, car je n’ai rien de spécial à vous dire quant à la vie très simple et très réglée que je mène ici, et, pour finir cette lettre, je vous embrasse à tour de bras.

Amitiés à d’Artois, à tous. FRANCIS.

  1. Le vieux chien, le préféré de Mme Coppée.