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et, très souvent, paraît-il, en voiture avec la Princesse. À 5 heures, arrivée des invités de Paris pour le dîner, et de 7 à 11, dîner et soirée (billard, thé, etc.). Voilà la journée Sauf une heure ou deux dans l’après-midi, presque toujours en public. Et puis la torpeur de la campagne, qui dompte si vite les Parisiens et les rend incapables de toute énergie intellectuelle. Tant pis, je ne ferai rien, ou presque rien ; mais, si je puis revenir de là un peu plus guéri, je n’aurai pas perdu mon temps.

Au revoir, ma chère maman, ma bonne Annette. Il est 10 heures du soir. Une migraine qui a obligé la Princesse à se coucher de très bonne heure a dispersé tout le monde dès 9 heures et demie et je suis monté vous écrire. Je ne fermerai ma lettre que demain matin, afin de pouvoir ajouter un mot si je reçois un mot de vous. Amitiés à Sindico.

Je vous embrasse de toutes mes forces. FRANCIS.


Vendredi matin, 8 heures et demie.

Rien reçu. Ecrivez-moi vite.


Dimanche matin.

Ma bonne chère mère, je n’ai rien de nouveau à te dire, si ce n’est des choses qui te réjouiront, bien que toujours les mêmes, c’est-à-dire que je vais toujours aussi bien et même mieux, que je mène une vie très facile et très agréable, et enfin que je travaille un peu. J’ai fait environ un tiers de mon petit drame[1], près de 200 vers, et je n’en suis pas trop mécontent. Je pense venir à Paris mercredi ou jeudi. Je vous écrirai le jour au juste. Le choix de la Princesse a-t-il plu à Annette et pense-t-elle pouvoir faire deux bonnes copies des tableaux en question ? Qu’elle m’en dise un mot quand vous m’écrirez[2]. — Ma plus forte préoccupation en ce moment, c’est la pièce que je fais. Voilà très longtemps que ce projet me hantait, et, bon ou mauvais, il faut qu’il aboutisse. Si je ne suis pas satisfait de

  1. Il s’agit ici de Deux douleurs, représenté à la Comédie-Française l’année suivante.
  2. C’est ainsi que François Coppée n’oubliait jamais les siens, soit pour améliorer leur sort, soit pour leur faire plaisir. — Annette et sa sœur Sophie avaient toutes deux un fort joli talent de peintre.