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homme timide et fort ignorant des usages du monde qu’il était alors avait été brusquement introduit dans les somptueux salons de l’hôtel de la rue de Courcelles, où s’empressaient le monde de la Cour, les personnages officiels, et aussi les écrivains, les artistes fameux du temps.

Quand François Coppée revint d’Amélie-les-Bains, la « Bonne Princesse » voulut abriter, dans sa résidence estivale, la convalescence du poète dont les premiers vers l’avaient intéressée. Il fut, pendant quelques semaines de l’été de 4869, un des hôtes de Saint-Gratien. Parmi cette élite intellectuelle qui entourait la princesse, peintres, statuaires, professeurs, hommes politiques, gens de lettres qui s’appelaient Mérimée, Gautier, Renan, Flaubert, Dumas fils, Augier, les Goncourt, François Coppée, le « bon fils, » n’oubliait pas la douce intimité de la petite maison de Montmartre ; et il pensait à sa vieille mère.


Jeudi 19 août 1869.

Ma bonne mère bien-aimée, je suis un peu impatient d’avoir de tes nouvelles, laisse-moi d’abord te dire cela. Si tu n’es pas en train d’écrire, fais-le faire par Annette. Elle ou toi, c’est la même chose, mais que j’aie le plus tôt possible de vos nouvelles à toutes deux. Je continue ici la vie de château plus intéressante chez la Princesse que partout ailleurs, à cause des convives célèbres à différens titres qui viennent la visiter. Hier soir, est arrivé Théophile Gautier qui doit passer quelques jours ici. Toutefois je dois dire que, malgré l’existence paisible et charmante que j’ai ici, je suis déjà un peu assombri d’être loin de vous. Je suis toujours enfant par l’habitude et l’amour de la famille étroite, et je crois que, loin de vous, je ne serai jamais tout à fait heureux. Je compte venir à Paris lundi ou mardi passer avec vous deux ou trois heures, entre les deux repas, et j’en reviendrai avec un bagage de patience. Ma santé est bonne et le médecin des eaux d’Enghien a été très rassurant pour moi. Il m’ordonne un petit traitement thermal, qui m’oblige à aller tous les matins à Enghien boire un verre d’eau et prendre un bain de pieds ; mais c’est une petite promenade très hygiénique avant déjeuner. Je suis de plus en plus convaincu que tout travail me sera ici très difficile. Le matin, aller à Enghien. À 11 heures, déjeuner et causerie avec la Princesse et ses hôtes jusqu’à 1 heure ou deux. Promenade, — seul presque jamais