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Christ ou du cœur de Marie. C’est l’art fanatique, effrayant. J’y ai entendu faire le catéchisme en catalan ; car, par ici, si les paysans savent le français, c’est à peine, et encore n’aiment-ils pas à le parler. Ils parlent an dialecte espagnol, le catalan, rude langage de montagnards, et traitent leurs voisins français, les Gascons, les Provençaux et les Languedociens, du terme méprisant de gavaches. Toujours à Arles, j’ai vu le tombeau de deux saints d’où coule une eau merveilleuse et qui guérit toutes les maladies, et plus spécialement la lèpre. J’ai bu un petit verre d’un délicieux vin de Rancio, et je suis retourné à Amélie sans fatigue. (Total : deux lieues en tout et au plus.)

Une autre promenade, mais beaucoup plus courte, et que j’ai déjà faite deux fois, est celle de Palalda, un village bâti autrefois par les Maures. C’est à se croire en Turquie, vu la saleté immonde des rues, des logis et des habitans. Les nombreux cochons qui fouillent du groin dans les ruisseaux sont peut-être ce qu’il y a de plus propre. La porte de l’église, un superbe morceau de serrurerie, est ornée de plusieurs fers à cheval qu’on y a cloués : ce sont, dit-on, les seigneurs de Palalda qui ont fait cela en revenant de la croisade. Il y aurait encore bien d’autres promenades, et beaucoup plus intéressantes ; mais il faudrait grimper, et cela m’est défendu. Je pourrais bien aller en voiture, mais, outre que ce serait fort cher, les voitures ne vont pas partout dans ce pays-ci. Donc mes pérégrinations sont et seront forcément bornées, mais, malgré tout, je suis enchanté du pays, qui est splendide dans tout ce que j’en peux voir.

À bientôt, ma chère maman adorée, je t’embrasse sur les mains et sur les joues et te défends absolument d’être malade. J’embrasse aussi de tout mon cœur Annette et Sindico.

TON FRANCIS.


15 avril.

Bonne mère chérie, je viens d’envoyer à Duquesnel[1] une lettre formelle au sujet du Passant. J’entends qu’Agar y conserve son rôle ; l’intérêt de la pièce l’exige d’ailleurs. Mille amitiés à ceux qui viendront pour moi, à Japy, à de Roissy, à Francès, à Mme Devienne. J’ai reçu ce matin deux longues

  1. Alors directeur de l’Odéon.