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rétablissement. Je me couche tôt, je me lève tard, et je me promène ou me chauffe le reste du temps. J’avais tellement besoin de repos, je dirai même de paresse, que je n’ai pas même de courage pour prendre un livre. Bien entendu que toute littérature est absolument abolie.

Le temps n’est pas bon, quoiqu’en comparaison de Paris, je suppose encore que ce soit délicieux à Amélie. Mais, si triste qu’elle soit pour le pays, la journée ne se passe jamais sans deux ou trois heures de soleil dont les convalescens comme moi profitent pour sortir. Il y a, à dix minutes de l’hôpital, un chemin au bord d’un torrent, abrité de toutes parts par les montagnes, où, dès que le soleil paraît, il fait chaud. C’est là que je suis presque toujours.

Ma journée est monotone, mais c’est ce qu’il faut pour me rétablir, et puis je ne me lasse pas des Pyrénées. C’est sublime, tout bonnement. Je voudrais que tu me visses promener l’ombrelle à la main (car, ici, le soleil est déjà assez fort pour nécessiter l’ombrelle), tu dirais : « Mais c’est un farceur, il n’est pas malade du tout, et il n’est allé là-bas que pour se donner du bon temps. »

Mestadier est encore ici, il ne partira pas avant lundi ou mardi au plus tôt. Le cher garçon continue à me soigner avec des soins de frère. Il a été bien touché de la lettre que tu lui as écrite et t’en remercie de tout son cœur.

J’ai reçu beaucoup de lettres. Dugit[1], Stefanesco, Lambert de Roissy m’ont écrit. Lemerre m’a envoyé la troisième édition des Poèmes modernes ainsi qu’un numéro de la Patrie qui contient un article très aimable sur ce livre.

Encore une fois, ma chère maman, tout va pour le mieux. Ne t’inquiète pas et reçois tous mes baisers.

Embrasse bien Annette et Sindico. Je me rappelle au souvenir de Mme Devienne. Un mot à tous les amis qui viendront.

Je presse le ventre de Minet[2]. Ton fils, FRANCIS.


12 avril 1869.

Ma bonne et chère maman, je ne veux pas que tu sois triste.

  1. Cousin de François Coppée par le père Coppée.
  2. Les Coppée étaient, de père et de mère en fils, la famille » amie des chats » par excellence.