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de lui une lettre qu’il s’empresse d’expédier par un courrier à Bonaparte et s’arrange adroitement, comme on ne lui en a pas communiqué la copie, pour en apprendre, de la bouche de Balsemaö, le contenu. C’est une demi-satisfaction. Le Prince offre de retirer à M. d’Almeida la connaissance des affaires de la France et de la donner à un autre ministre, en ajoutant que, si le Premier Consul exige la disgrâce d’Almeida, il le sacrifiera. Herman profite de la circonstance pour déclarer que si Almeida n’est pas complètement exclu du Ministère, on renverra Lannes à Lisbonne ; à quoi son interlocuteur répond que le Régent préférerait sacrifier Almeida et Souza lui-même plutôt que de voir Lannes revenir à sa Cour.

C’est la question qui se pose maintenant : Lannes retournera-t-il à Lisbonne ? Le désire-t-il lui-même ? Oui, sans doute, nous en possédons la preuve dans un long mémoire adressé au Premier Consul, par Fitte. Le général Lannes souhaite retourner à Lisbonne, si le Premier Consul juge à propos d’appuyer ses demandes. Peut-être serait-il convenable que la satisfaction fût donnée avant qu’il y retournât. Il serait moins pénible à la Cour de s’y soumettre et, à son arrivée, il n’y aurait plus aucun prétexte à des discussions « toujours déplacées lorsqu’elles peuvent amener des événemens qui inquiètent les peuples et les gouvernemens, ce qui trouble le repos dont les uns et les autres ont si grand besoin. »

Bonaparte est-il disposé, de son côté, à laisser Lannes retourner en Portugal ? Il y tient si peu qu’il est tout prêt à le sacrifier, s’il obtient en échange le renvoi d’Almeida ; nous l’avons vu par sa lettre au Régent. Aussi a-t-il chargé Talleyrand de dire à Souza que lui, Bonaparte, ne peut « se désister de ses prétentions, » qu’il est disposé « à laisser l’affaire du ministre en Portugal dans la situation où elle se trouve, sans le renvoyer à Lisbonne et le laissant quelque temps en disgrâce, » — mais que, de son côté, le Régent devrait, « sans rien dire des motifs, ôter Almeida et ce misérable douanier (Pina Manique), » que dans ce cas, lui, nommerait un autre ministre à Lisbonne et « qu’alors, sans que cela ait fait aucun bruit, cette affaire se trouvera terminée ; qu’il est impossible que le Portugal recouvre en Europe crédit, puissance, si le ministre actuel reste, puisqu’il est évident qu’il nous a manqué, et qu’il est entièrement dévoué à nos ennemis. »