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gouvernement. Le Premier Consul désire connaître ces motifs avant votre arrivée à Paris, et, en conséquence, il m’a donné l’ordre exprès de vous écrire que son intention était que vous vous arrêtassiez chez vous, et que vous chargeassiez votre secrétaire de légation de vos lettres pour le Premier Consul, et d’un mémoire explicatif des causes et des motifs de votre départ. Le Premier Consul, en étant alors directement informé par vous, en jugera mieux qu’il n’a pu le faire par des informations indirectes et nécessairement intéressées, et il vous fera parvenir les ordres qu’il croira convenable de vous donner.

« J’ai l’honneur de vous saluer. »


Sur-le-champ, par un billet daté de minuit, Lannes répond en quelques lignes qu’il envoie Fitte à Paris ; il ajoute seulement que ses dépêches précédentes auraient dû faire déjà pressentir le parti qu’il a dû prendre, et « dont le ministère portugais ne lui a pas laissé le choix. »

Fitte arrive à Paris le lendemain 9 fructidor, il écrit immédiatement au Premier Consul pour lui annoncer qu’il est chargé par son chef de lui remettre une lettre et de prendre ses ordres afin de lui communiquer tous les détails. Il ajoute qu’en attendant, Lannes est resté à Orléans.

Le Premier Consul reçut-il le secrétaire de la légation de France ? Rien ne l’indique ; une annotation de Bourrienne sur la lettre de Fitte nous apprend seulement que celui-ci fut invité à se rendre sur-le-champ chez Talleyrand. Quant à Lannes, il avait pris sur lui de se retirer à Vitry, chez ses parens. De là, il adresse au Premier Consul lui-même un long rapport pour exposer la situation qui lui était faite à Lisbonne et justifier sa conduite. À Talleyrand, il expédie la copie des pièces à l’appui de son mémoire, bref, il ne néglige rien pour détourner cette désapprobation qui le menace, pour plaider sa cause devant le ministre comme devant le Premier Consul.

C’est, en effet, une sorte de procès dont Talleyrand est le rapporteur, rapporteur plus impartial qu’on ne le croirait ; son enquête conclut que si tant de « tracasseries » ne suffisent pas à justifier le général Lannes, elles prouvent que les torts qui doivent « surtout en ce moment attirer l’attention et la sévérité du gouvernement » sont « ceux du gouvernement portugais. »