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de lui déclarer que je suis autorisé à sortir sous trois jours de ses États, et je la prie de me faire expédier des passeports. »

L’autorisation, nous l’avons vu, c’était Lannes qui se la donnait à lui-même ; d’autre part, le procédé qui consistait à s’adresser directement au souverain, sans passer par le ministre des Affaires étrangères, était contraire aux usages diplomatiques ; enfin la gravité des menaces se trouvait dépasser de beaucoup celle des griefs. Et cependant, soit que ce « bluff, » comme nous l’appellerions aujourd’hui, eût effrayé le faible et timoré Don Joaö, soit que son Cabinet voulût simplement gagner du temps, toujours est-il que le Régent envoyait à Lannes non pas d’Almeida, — leur brouille ne le permettait pas, — mais son ministre de l’Intérieur, le vicomte Pinto de Balsemaö, » pour apprendre ses intentions de lui-même. » Pinto donne à Lannes l’assurance qu’on va abandonner Pina Manique, et Lannes, toujours confiant, d’écrire aussitôt à Talleyrand, comme s’il venait de recevoir un parlementaire de l’ennemi qui propose de se rendre : « J’ose vous annoncer d’avance que la lutte va se terminer de la manière la plus utile et la plus honorable pour notre gloire. Si j’avais fait un seul pas en arrière, nous perdrions toute notre influence. »

Joie bien prématurée. Deux jours se passent, rien. Nouvelle note au Régent pour demander que des passeports lui soient expédiés sans délai.

Ce ne sont pas ses passeports qu’il reçoit, mais une note habile et digne, dans laquelle Almeida lui fait remarquer que, du moment qu’il a jugé bon d’interrompre les relations, la Cour de Lisbonne ne pouvait que soumettre l’affaire au Premier Consul ; tant que celui-ci n’aura pas répondu, on ne peut changer la direction que les circonstances ont exigé de donner à cette négociation. Si Lannes ne veut pas attendre cette réponse, Almeida a l’ordre de lui remettre les passeports requis « à son premier avis. »

La situation est trop fausse pour que Lannes paisse y rester. Aussi, le même jour, 20 thermidor (8 août), répond-il en cherchant à porter la division dans le camp ennemi : « S’il a retardé son départ, c’est « à la sollicitation qui lui a été faite par le vicomte de Balsemaö « au nom de Son Altesse Royale, et sur des assurances totalement différentes de celles qui lui sont