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située dans le voisinage de l’Opéra et du Tage, au Chafariz, près de la fontaine de Loreto, on saisit la viande de boucherie destinée à l’approvisionnement de sa table (probablement parce que cette viande était du veau, et qu’il était interdit d’en vendre, afin de favoriser l’élève du bétail). Quand les meubles de Lannes arrivent, Manique, qui est en même temps directeur des Douanes, déclare « qu’il se rendra lui-même en douane pour avoir le plaisir d’ouvrir les caisses, » et il se permet « en pleine douane et assisté de quelques émigrés, les plus ridicules propos contre la France et son plénipotentiaire. » La coupe est déjà pleine lorsqu’un incident plus grave la fait déborder.


IV

Le 9 prairial (20 mai 1802), un des aides de camp de Lannes, le capitaine Subervie, rentrant chez lui à onze heures du soir, est attaqué dans la rue par des hommes apostés. Se trouvant sans armes, il s’enfuit vers le corps de garde voisin, non sans essuyer deux coups de pistolet, et sans être frappé au passage. Le chef du poste, par lequel il tente en vain de faire reconnaître sa qualité, veut d’abord l’envoyer en prison, puis refuse de le faire reconduire chez lui, et ordonne enfin de le mener chez le commandant de la police de la ville. Celui-ci, le marquis de Novion, cet émigré français dont nous avons déjà parlé, reçoit le capitaine Subervie avec égards, déplore l’agression et promet d’en tirer justice.

Il paraît vraisemblable que l’aide de camp de Lannes n’avait pas craint de dramatiser un peu l’aventure. Quoi qu’il en soit, dès le lendemain, le général, dont on devine la colère et l’indignation devant l’attentat commis sur un officier français attaché à sa personne, adresse à d’Almeida une note conçue dans les termes les plus violens : une sorte d’ultimatum comme celui qu’on envoie à l’ennemi par un officier accompagné d’un trompette, lorsqu’on le menace de représailles pour quelque manquement aux lois de la guerre. Il débute en déclarant « que le capitaine Subervie, a été assassiné (sic) hier au soir à Lisbonne » et part de là pour récapituler tous ses griefs contre la police et contre l’Intendant général : « Quelles garanties en effet, les Français peuvent-ils trouver dans les États de Son Altesse Royale, lorsque la sûreté publique est entre les mains de M. Pina Manique,