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sa jeunesse et d’un caractère naturellement bon et droit, ce prince, n’étant devenu habile à régner que par suite de la mort de son frère, le prince du Brésil, avait été élevé en cadet par des moines et des femmes. « Indolent, sans connaissance des affaires ni du monde, peu désireux de s’en instruire[1], » timide, sans expérience, rendu pusillanime par ses ministres, il se trouva, par un jeu ironique de la destinée, placé à une époque où les nations de l’Europe s’entre-choquaient violemment. La chasse et la dévotion se partageaient tout son temps ; « il aimait beaucoup la musique religieuse, surtout lorsqu’elle était bruyante[2], » et se plaisait à chanter au lutrin. Sa femme, qui a été, suivant les partis, exaltée ou calomniée, apparaît comme très supérieure à lui par le caractère comme par l’intelligence. On s’accorde à reconnaître qu’elle possédait une instruction remarquable pour son pays et pour son temps. Elle a été accusée d’avoir essayé à plusieurs reprises de renverser son mari, et de ne pas lui être restée fidèle. Il est certain qu’elle ne tarda pas à vivre en mauvaise intelligence avec lui, tout en lui donnant neuf enfans, de 1790 à 1806. À l’époque qui nous occupe, elle ne semble pas encore jouer de rôle politique, et ce n’est qu’à titre de personnage muet qu’elle figurera dans notre récit.

Lorsque le général fut conduit devant le Régent et la princesse, les augustes personnages qu’il allait avoir sous les yeux ne présentaient rien d’imposant, si l’on en croit la description de la duchesse d’Abrantès : « Le Régent, laid avec son gros ventre, ses grosses jambes, son énorme tête surmontée d’une chevelure de nègre, qui, du reste, était bien en harmonie avec ses lèvres épaisses, son nez africain, et la couleur de sa peau… coiffé de plus avec des cheveux coupés en vergettes, ayant une queue grosse comme le bras, bien pommadée, bien poudrée. » La princesse « une femme de quatre pieds dix pouces, tout au plus, et encore d’un côté, parce que les deux n’étaient pas égaux, des yeux éraillés et de méchante humeur, n’allant jamais ensemble, sans qu’on pût leur reprocher de loucher… Et puis une peau qui n’avait rien d’humain, dans laquelle on pouvait tout voir, une peau végétante. Son nez, je ne me le rappelle plus, si ce n’est pour

  1. Stella, Histoire du Portugal, t. II, p. 107.
  2. Id., ibid.