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fermer ses ports aux Anglais ; si le Portugal s’y refusait, la France prêterait aux représentations de son alliée le concours matériel nécessaire.

Le Portugal, comprenant le péril, avait, dès 1795, ouvert des pourparlers, qui aboutirent à un traité signé en août 1797 par le ministre des Relations extérieures, Delacroix, traité qui, n’ayant pas été ratifié à Lisbonne en temps voulu, fut annulé par le Directoire.

Dès que la bataille de Marengo eut affermi son pouvoir, Bonaparte avait envoyé son frère Lucien comme ambassadeur à Madrid, non seulement en vue d’obtenir la cession de la Louisiane contre l’érection du duché de Parme en royaume d’Etrurie pour l’Infant, gendre et neveu de Charles IV, ce qui fut accompli par le traité d’Aranjuez (21 mars 1801), — mais aussi pour décider l’Espagne à « exécuter » le Portugal, ainsi qu’elle en avait pris l’engagement : tâche délicate entre toutes, car le Régent, qui occupait le trône au nom de sa mère tombée en démence, était le propre gendre de Charles IV. Un détachement français devait coopérer dans cette campagne avec les troupes espagnoles.

Charles IV, après avoir longtemps résisté, céda aux instances de son favori. Manuel Godoï, le prince de la Paix, amant de la Reine, que Talleyrand avait su mettre dans les intérêts français en lui laissant entrevoir la possibilité de se tailler une principauté en Portugal. Le Roi se refusa cependant à admettre ce projet, et ne consentit à la guerre que sous la réserve expresse qu’aucune partie du territoire portugais ne serait enlevée.

Une courte campagne suffit à mettre les Portugais dans l’obligation de céder, et Godoï se hâta de traiter avant l’arrivée du corps français commandé par le général Leclerc, qu’il craignait, non sans raison, de voir occuper une partie du territoire portugais. Par le traité de Badajoz, conclu sous sa médiation, le Régent s’engageait à fermer tous ses ports et rades aux vaisseaux anglais, à les ouvrir aux vaisseaux français, à ne fournir aucun secours aux ennemis de la République, à négocier un traité de commerce et à payer quinze millions de livres de subsides. Le Premier Consul manifesta une violente colère en voyant conclure la paix sans que nos troupes eussent pu saisir le gage qu’il convoitait, les trois provinces portugaises[1] d’Entre-Douro

  1. Sorel, l’Europe et la Révolution française, 6e partie, p. 153.