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attribue à ce mot en critique littéraire, ni confidentiel. C’est à peine si quelquefois, — « Je suis jeune, la pourpre en mes veines abonde… » « L’hippopotame au large ventre… » — on voit dans les vers de Gautier se dessiner un instant la silhouette de Gautier ; et il s’est peint dans Mademoiselle de Maupin, mais discrètement et généralisé, et stylisé, et de telle sorte enfin que c’est précisément ici la différence de la littérature personnelle et de la littérature confidentielle. Somme toute, Gautier cède à la nécessité de parler de soi, mais à l’étalage du moi répugne très profondément. Ce fut même une de ses pudeurs. Lui-même en eut.

Quand on songe à tout cela, on se dit que Gautier fut extrêmement isolé dans le romantisme, qu’en vérité, il ne fut point romantique quoi qu’il en ait cru, ce qui, comme on sait, ne fait point difficulté, Sainte-Beuve et Stendhal s’étant estimés romantiques, un long temps, de la meilleure foi du monde.

Quand on y regarde de près, on ne saisit entre Gautier et le romantisme que les liens que voici, très légers, dont je ne songe point à nier, du reste, qu’il faille tenir compte. Il aimait la littérature du siècle de Louis XIII et il aimait l’Orient. Ce sont des traits extrêmement significatifs.il aimait la littérature du siècle de Louis XIII et il est très vrai que, par la prédominance de la sensibilité et de l’imagination sur la raison, sur la finesse, sur le goût et sur l’observation, par l’abondance verbale, par une certaine inclination au délayage, par l’indépendance et par l’abandon de l’antiquité, la littérature du siècle de Louis XIII est un premier romantisme très caractérisé et que c’est à 1630 que 1830 se rattache. Une preuve c’est que Sainte-Beuve ne pouvait pas souffrir 1630, et sa plus forte erreur, d’autre part, a été, en sa jeunesse, de vouloir rattacher 1830, non à 1630, mais à la poésie de la Pléiade. Que Gautier ait vu dans les hommes de 1630 les vrais ancêtres du romantisme, cela fait honneur à son sens critique et qu’il ait aimé les hommes de 1630, cela indique des inclinations romantiques, faibles peut-être et qui peuvent ne tenir qu’au temps dont il était, mais enfin des inclinations romantiques qui ne sont pas niables.

Et il a aimé l’Orient et il l’a décrit avec amour et cela est assurément très romantique et le voyage en Orient, que du reste Victor Hugo n’a jamais fait, est partie essentielle et élément fondamental de toute éducation romantique ; mais encore ce