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qui étaient en face de moi, car c’était assez naturel de leur part. Je parle de tous ceux et de toutes celles que je pouvais voir dans les stalles du chœur ou dans les tribunes, même celle des pairesses. À l’exception de quelques personnes qui, manifestement, priaient, tout le monde semblait attendre et même avec quelque impatience que ce fût fini. Ce qu’il y a de factice et de trompeur dans la ressemblance apparente entre un service anglican et un service catholique en ce moment m’a, en quelque sorte, sauté aux yeux. Si, à ces prières de la communion dont quelques-unes sont presque semblables aux nôtres, entre autres la Préface et qui toutes sont très belles, personne ne semble prêter l’oreille, c’est que, comme me le disait un jour une protestante fervente, « les Anglicans saluent un autel vide, » et c’est pourquoi l’Église établie d’Angleterre, qui a fourni dans l’histoire de si grands caractères, qui recèle encore tant de vertus, a perdu en grande partie son empire sur les âmes. Elle a encore beaucoup de fidèles ; je doute qu’elle ait beaucoup de croyans. Elle avait au moins aujourd’hui à Westminster une croyante. C’était la Reine ; je ne voyais le Roi qu’en me penchant sur le rebord de la tribune ; je voyais au contraire la Reine en plein. À l’inclination de sa tête, à l’attitude de toute sa personne, à un je ne sais quoi qui émanait d’elle, j’ai eu le sentiment que, dans sa pensée intime, elle recevait bien un sacrement, et ce que j’entends dire d’elle me persuade qu’elle saura exercer « cette puissante et douce influence de la piété et de la vertu, » qui est, par tous pays, l’apanage de la femme.

La cérémonie se continue par le chant du Gloria, exactement traduit du nôtre. Elle se termine par un éclatant Te Deum. Pendant ce temps le Roi et la Reine se sont retirés derrière l’autel, dans la chapelle de Saint-Édouard. Ils se reposent et se restaurent un instant ; ils doivent en avoir besoin. Le Roi change une troisième fois de costume ; à la place de la Royal robe of State, il revêt une robe de velours pourpre, et il ressort processionnellement. La Reine le précède, portant sur la tête sa lourde couronne, dans sa main droite le Sceptre avec la Croix, dans sa main gauche la Verge d’ivoire. Le roi George porte sur la tête la couronne de Saint-Édouard, plus lourde encore, dans la main droite le Sceptre avec la Croix, dans la main gauche le Globe. Tous deux défilent lentement, avec une grande majesté,