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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Le hasard est notre maître. Nous nous étions promis, en écrivant notre dernière chronique, de parler du Maroc dans celle-ci ; mais les iucidens de notre politique intérieure ont été tels, ils se sont précipités si rapidement, que nous sommes obligés de nous consacrer à eux. Un ministère est tombé, un autre est en train de se former ; nous n’en connaissons jusqu’ici que la tête, qui est M. Caillaux. Quant à M. Monis, il avait fait une gageure impossible à soutenir longtemps, On ne gouverne pas de sa chambre à coucher dans un gouvernement parlementaire dont le fontionnement exige la présence réelle du président du Conseil sur le banc des ministres. En tombant de son lit, M. Munis est sans doute tombé de moins haut que de la tribune ; il peut prétendre qu’il ne s’est fait aucun mal, et c’est ce qu’il prétend en effet, si on en croit les journaux. — Ma politique, dit-il, n’a pas été atteinte ; elle a continué d’avoir la majorité dans la Chambre ; elle doit être continuée ; l’accident survenu par suite de la maladresse du général Goiran est à quelques égards comparable à celui d’Issyles-Mouhneaux ; le programme du ministère reste intact. — Il paraît bien que c’est le langage que M. Monis a tenu à M. le Président de la République, en lui conseillant de prendre dans le Cabinet défunt le phénix qui devait le ressusciter.

Qu’on le prenne là ou ailleurs, peu importe. La crise qui s’ouvre est beaucoup plus grave que M. Monis ne paraît le supposer, car c’est celle de tout un régime. Au surplus, il lui appartient peu de parler des règles parlementaires, son propre Cabinet ayant été constitué en dehors d’elles. Quand M. Briand a donné sa démission, il venait d’avoir la majorité à la Chambre et il pouvait soutenir, lui aussi, que sa politique était indemne ; cependant M. Monis a choisi ses ministres dans la minorité de la veille et non pas dans la majorité.