Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/234

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus à son avantage en d’autres rôles. Quant à sa partenaire, fit-elle sagement de quitter un de nos grands music-halls pour le plus grand de tous, et de vouloir passer, monter de l’art chorégraphique à l’art vocal ? On aurait envie de lui dire, avec La Fontaine, ou à peu près : « Vous dansiez, nous en étions fort aises. Pourquoi chanter maintenant ? »


Le flot étranger se retire à peine de notre sol. Que de « grandes saisons » exotiques faut-il donc aujourd’hui pour faire une saison de Paris ! Après les Russes chantans, il en est venu, ou revenu, de dansans. Ils ne nous convièrent point au spectacle de leurs ébats. Un cycle d’opérettes viennoises, un autre d’opérettes anglaises, deux cycles de la Tétralogie wagnérienne, ces derniers dirigés à l’Opéra par MM. Weingartner et Nikisch, cela fait quatre cycles, et qui nous furent également fermés. Plus accueillant se montra le Congrès parisien et régional de chant liturgique et de musique d’église. Là nous étions, le croiriez-vous ! clercs et laïques, entre Français. La session fut intéressante. Les offices, le plus souvent célébrés à Saint-Eustache, en firent le principal attrait. Strictement conformes à la lettre comme à l’esprit de l’admirable motu proprio de Pie X, ils ont encore une fois démontré, ces offices exemplaires, la beauté supérieure des deux formes par excellence de la musique d’église, l’étroite convenance de l’une et de l’autre avec l’église et la prière à l’église, autrement dit avec l’objet et le lieu de cette musique même. Moins nombreuse qu’on ne l’eût souhaité, l’assistance le fut cependant plus qu’on ne s’y attendait. Surtout, elle parut attentive, recueillie, souvent émue. À la voir écouter, on eût dit qu’elle sentait l’approche, le progrès et déjà la victoire d’un charme, d’un idéal repoussé trop longtemps, mais dont elle ne sait ni ne veut plus se défendre. Il appartient aux pasteurs de hâter l’heureuse défaite de leurs ouailles. Elle est assurée, elle est fatale. Rappelez-vous l’affirmation, le commandement du poète : « Dieu parle, il faut qu’on lui réponde. « Il le faut en effet, et pour la parole divine comme pour les réponses humaines, le chant grégorien et le chant alla Palestrina sont les deux modes les plus beaux que la musique ait créés.


CAMILLE BELLAIGUE.