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La musique existe, au contraire, elle vit et crée de la vie dans le premier acte, c’est-à-dire dans la moitié de l’opéra nouveau de M. Massenet, Thérèse. Il est nouveau pour les Parisiens, les Monégasques en ayant eu la primeur.

Thérèse est jusqu’à présent la dernière femme de M. Massenet : la onzième, sauf erreur, et encore en comptant celles-là seules dont les œuvres où elles figurent ne portent pas le nom. Ce catalogue va de la naissance d’Eve, — il était difficile de commencer plus tôt, — jusqu’à nos jours (la Navarraise, ou Sapho). Dans la série, Thérèse représente la Révolution. Le mari de Thérèse, André Thorel, est lui-même représentant du peuple et Girondin. Nous sommes en octobre 1792, à Clagny près Versailles, dans un parc et devant le perron d’un château. Sous les arbres, qui s’effeuillent, un régiment, qui part pour la frontière, s’est arrêté. Nous ne tardons pas à savoir que ce domaine avait pour maître Armand de Clerval, un émigré. André, fils de l’intendant des Clerval, a grandi près d’Armand. Républicain, mais honnête, voire généreux, il vient d’acheter Clagny pour le rendre à l’exilé, si l’exilé revient un jour. Et voici qu’aujourd’hui même, celui-ci reparaît, sous un déguisement, furtif, ramené par l’invincible désir de revoir son pays, son foyer, et surtout la jeune orpheline, autrefois sa compagne aussi, qu’il aima, dont il fut aimé, Thérèse. Hélas ! non pas l’oubli, mais la raison, la résignation, le devoir, que sais-je, l’ont faite l’épouse d’André, son épouse loyale et qui veut lui demeurer fidèle. André ne sait rien de ce passé, d’ailleurs innocent. Viendrait-il à le connaître, qu’il n’en prendrait nul ombrage : nous sommes entre gens magnanimes. Thorel commence par sauver Armand des soldats et da la foule soupçonneuse. Puis, rentrant à Paris avec Thérèse, il l’emmène et le cache en sa maison.

Quelques mois après, juin 1793. La Révolution s’est mise à dévorer ses enfans. Se sentant menacé, perdu peut-être, André veut du moins assurer le salut d’Armand. Il lui remet un sauf-conduit et se rend à l’Assemblée, où d’urgence on l’appelle. Armand alors est tenté, de la tentation qu’on devine : fuir, mais pas seul, et cela manquerait assurément de délicatesse. Mais la noble Thérèse lui résiste et le décide à partir, sans elle. Rester, avec elle, eût tout de même été plus élégant. Cette pièce est délibérément à l’honneur des républicains. Non pas, il est vrai, de tous. Voici que sous les fenêtres de Thérèse éclate un bruit de foule et d’émeute. Dénoncé, arrêté, c’est André qu’on mène au tribunal, et par conséquent à l’échafaud. Thérèse alors, de son balcon, jette à la populace un cri : Vive le Roi ! Sa chambre est envahie