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intense et une espérance infinie. Il revoit les hécatombes inutiles ; il sourit à un avenir enchanté, que lui désignent d’illustres prophètes, enveloppés de la clarté atténuée des demeures élyséennes : Voltaire, Renan, peut-être Zola ; s’il n’était notre contemporain, on y chercherait M. Anatole France. C’est le temps présent, époque de transition et de transaction, où le vice et l’iniquité subsistent, mais où quelque progrès est déjà visible. Assise au premier plan, une fille, dont les traits vicieux s’ennoblissent d’une douceur maternelle, donne du café au lait à son enfant. C’est la « joie de vivre, » mais qui n’est pas sans mélange ; et le « prix de la honte, » comme dit le citoyen Charpentier, est étalé symboliquement sur la jupe. Le « prix de la honte » n’est pas le sequin d’or romantique des grandes courtisanes ; c’est une simple pièce d’argent divisionnaire. Enfin, à la droite du triptyque, Par l’amour, sous un soleil radieux, Jacques Bonhomme embrasse son ennemi séculaire, un personnage vêtu de pourpre, qui incarne la royauté et le capitalisme ; et, derrière eux, s’étend sur la plaine blonde


Le sourire paisible et rassurant des blés.


Le tableau des « Etapes de Jacques Bonhomme » n’inspire donc pas absolument des sentimens révolutionnaires ; et, devant lui, on songe involontairement aux « étapes » des verriers eux-mêmes. Encore meurtris de leurs dures épreuves, on dirait qu’ils se sont résignés à la lenteur pacifique des transformations sociales. Leur beau courage, leur mode spécial de gouvernement rendent leur entreprise extrêmement curieuse et sympathique. Mais les grandes espérances n’ont pas été remplies ; le chiffre des affaires est à peine d’un million ; les retenues sur les salaires d’origine n’ont pas encore été entièrement remboursées ; l’État continue d’aider la verrerie de ses subsides. C’est une expérience que le temps n’a pas encore consacrée ; ce n’est pas la « grande industrie » coopérative.


Où donc est la grande industrie coopérative ? Dans la métallurgie ? On a bientôt compté les créations : la fonderie de cuivre de la rue Oberkampf, qui coule des « bronzes d’art » pour les cheminées bourgeoises ; quelques ateliers de « nickelage ; » et en province, quelques fonderies de fer, grandes comme la boutique d’un maréchal. L’Association des ouvriers en limes est la plus