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journée, travaillèrent si lentement, que le fonçage coûta 500 000 francs ; et la perte ne fut pas compensée par le surcroît d’extraction. Ce bel ouvrage fut pourtant célébré dans la presse coopérative comme un effort gigantesque. Décidément, la classe ouvrière était mûre pour la grande industrie ; et ce que l’État avait de mieux à faire, après la catastrophe de Courrières, c’était de remettre la mine aux ouvriers de la Compagnie déchue !

Les travaux se ralentirent encore, les sociétaires ne travaillant plus que pour le salaire fixe, huit heures « en principe, » mais venant en retard, partant en avance, « cassant la croûte, » . prenant pour eux les bons chantiers, laissant les mauvais aux auxiliaires. L’indiscipline devint invraisemblable ; je n’en donnerai qu’un exemple, que m’a cité le dernier ingénieur. Le repos hebdomadaire étant établi « par roulement, » celui-ci désigna un dimanche une équipe restreinte pour descendre. D’autres, qui n’étaient pas désignés, se présentèrent pour gagner leurs six francs. Le lampiste leur refuse les lampes ; ils s’en emparent de force, descendent, s’installent d’office au travail. L’ingénieur les avertit que leur journée ne leur sera pas payée. Ils l’injurient et en appellent au Conseil. Le Conseil leur « rendit justice ! »

Cette anarchie aboutit à la liquidation prévue. J’ai vu, l’an dernier, peu après la débâcle, la mine abandonnée. À côté de la haute cheminée morne du « Puits Marinoni, » réduction grêle du « Voreux » de Germinal, un pauvre baraquement en planches, qui abritait la comptabilité, et la « salle du Conseil. » La salle du Conseil ! Une petite cabine obscure, au plancher nu et poussiéreux, meublée d’une grande table constellée d’encre et de chaises toutes désarticulées. Le « fauteuil présidentiel » étalait une étoupe jaunie et rare, bordée d’un reste de cuir vert effiloché. Il était encore occupé légalement par le dernier titulaire ; un brave homme « revenu de tout, » qui m’a confirmé avec franchise tout ce que je savais déjà, en y ajoutant des détails d’une bouffonnerie extraordinaire, difficiles à reproduire.

La Mine aux mineurs de Monthieux n’est pas morte par défaut de capital, mais anémiée par la paresse, ruinée par l’anarchie et l’imprévoyance ; son succès eût été un miracle social.

Les échecs des deux « Mines aux mineurs » sont les plus célèbres ; mais ils n’ont pas été les seuls. Les mineurs des Petits-Châteaux (Saône-et-Loire) ; les ardoisiers de la Grée-Saint-Jean, de Saint-Vincent des Landes, d’Harcy-Rimogne, ont repris aussi