Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/206

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

administration nouvelle commençait par expulser ses adversaires, qui se faisaient réintégrer par une assemblée générale et, à son défaut, par le tribunal civil. En 1902, le syndicat des mineurs de la Loire, ayant décidé une grève, voulut contraindre la « Mine aux mineurs » à y participer. 500 grévistes envahirent le siège social, renversèrent les voitures, saccagèrent les bureaux. Le président, affolé, implora l’arrivée des gendarmes « pour protéger le travail. » Quand ceux-ci apparurent, il était temps : déjà les grévistes, penchés à l’orifice du « puits Saint-Simon, » jetaient des pierres sur les mineurs ; d’autres coupaient les amarres des bennes pour écraser une équipe à l’entrée de la « fendue Basly. »

Ce président jouissait parmi ses camarades d’un petit prestige : il savait lire ; il suivait les cours d’adultes, et « faisait ses devoirs » dans la salle du Conseil. Un ingénieur des mines faisait les fonctions de directeur ; c’est à sa présence que la mine dut de vivre pendant près de dix-huit ans. Mais il était vite usé ; au bout de deux ans, un an, quelques mois, il faisait place à un autre. Quant aux gouverneurs, tout ce qu’ils pouvaient dire à un mineur qui les injuriait, c’était : « Je te ferai monter au Conseil. » Et l’autre de répondre : « Je me moque du Conseil ! » en termes plus énergiques. Il comparaissait pourtant ; le « Conseil » délibérait hors de sa présence ; et, parfois, à la majorité, lui infligeait un blâme, que le président, constitutionnellement, lui communiquait. Alors, le condamné ouvrait une enquête, pour savoir qui « avait voté contre lui. » Mais, prudemment, les conseillers se retranchaient derrière le « secret professionnel. »

Le comptable, isolé des affaires disciplinaires, goûtait seul une paix profonde. Il venait à son bureau quand il voulait, nul ne vérifiait ses comptes. Si par hasard, à une séance du Conseil, un membre s’avisait de demander une explication, on lui criait en chœur : « Tu nous fais… rire, toi ! » Je n’imagine pas ces détails ; je ne fais que les gazer.

On ne s’étonnera pas que, pendant dix ans, la mine ait été en perte. Chaque année, elle recevait de l’État 5 000 francs, non pour combler le déficit grandissant, mais pour parer aux nécessités urgentes. Cependant, en 1900, une hausse sur le marché des houilles amena des bénéfices. On décida alors de « foncer » le « Puits Saint-Simon » à 340 mètres. L’idée était bonne, le devis fut estimé à 250 000 francs. Mais les mineurs, payés à la