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la pratique de vertus que le cloître a été jusqu’ici seul en état de produire. Elles se sont condamnées à ne recevoir, comme premiers artisans de la future émancipation sociale, que les épaves de la corporation ; et les bons ouvriers, un instant égarés parmi elles, s’évadent promptement dans l’industrie privée, dès que l’occasion leur en est offerte.


À ses débuts, une petite Association ne peut exiger de ses membres qu’un faible apport, 25 francs, 50 ou 100 au plus, sur lequel le dixième est immédiatement versé. Quelques-uns des fondateurs, plus fortunés ou plus aventureux, usant de leur droit statutaire, prennent plusieurs actions ; le directeur possède parfois une notable partie du capital ; et bien que, comme tous ses camarades, il n’ait qu’une voix aux Assemblées générales[1], il n’en dispose pas moins d’une certaine influence morale. Plus tard, autant pour communiquer aux opérations l’ampleur et l’aisance qui permettront d’aborder les grandes affaires, que pour préserver l’œuvre de l’invasion des nouveaux venus inexpérimentés ; peut-être aussi, plus rarement sans doute, pour ne pas éparpiller les bénéfices entre un trop grand nombre de mains, on voit des Associations « arrivées, » qui non seulement élèvent le montant de l’action[2], mais celui de l’apport immédiatement exigible. La porte n’est pas fermée aux membres de la corporation, mais elle ne s’ouvre que pour des personnalités choisies, déjà éprouvées depuis longtemps en qualité d’ « auxiliaires. » Sans doute, les fondateurs n’ont point connu ces obligations rigoureuses ; mais justement parce qu’ils ont franchi, au milieu d’angoisses longtemps renaissantes, les obstacles qui leur barraient la route, maintenant qu’ils tiennent le succès, ils ne veulent plus, au soir de leur vie, recommencer la partie aventureuse que, dans leur jeunesse, ils ont brillamment gagnée. Si ce sentiment reste pur de toute pensée égoïste ; s’ils n’ont véritablement d’autre souci que de conserver à leur corporation l’intégralité de sa conquête, on ne saurait blâmer absolument la rigueur des nouvelles obligations introduites.

  1. Nous ne connaissons que trois exceptions à cette règle : le Travail, association de peintres, l’Avenir du Bâtiment, à Paris ; et l’Ebénisterie de Clichy.
  2. L’action est de 300 francs, chez les Charpentiers de Paris, et doit être libérée en huit mois ; elle est aussi élevée dans les 12 Associations de cochers parisiens, et doit être libérée immédiatement.