Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

longtemps, ils se trouvaient privés de communications avec le monde civilisé. Le poste ayant été abandonné par la colonie, six Pères du Saint-Esprit y maintenaient le prestige et le pavillon national, justifiant une fois de plus le mot de Léon XIII : « Les missionnaires resteront le paratonnerre de la France. » Les indigènes (Olambas) étaient de nature douce. Trois cents d’entre eux avaient déjà reçu le baptême et beaucoup, se faisant apôtres à leur tour, répandaient la bonne parole, si bien que, dans des villages où les Pères n’avaient jamais pénétré, l’on récitait couramment les prières chrétiennes. Mgr Augouard ressentit une douce émotion certain jour où, campé dans un hameau olamba, il vit un catéchiste nègre réunir autour de lui une soixantaine d’auditeurs et leur faire chanter des cantiques qui rappelaient au prélat les souvenirs de son enfance et de sa lointaine patrie. Il était « non moins édifié de voir la religion enseignée sur une place publique, chose qu’on ne permettait plus, en France, au nom de la liberté. »

De retour à Brazzaville, après un voyage encore fertile en péripéties, l’évêque tomba malade ; mais, désireux d’épargner des frais à sa communauté, il résista aux prescriptions du médecin qui voulait l’envoyer en France par le chemin de fer belge récemment inauguré entre Matadi et Kinchassa (station en face de Brazzaville). En effet, si cette ligne, construite au prix de tant d’efforts, d’argent et de vies sacrifiées, remplaçait avantageusement l’ancienne route des caravanes que Mgr Augouard avait parcourue dix-huit fois, elle n’en rendait pas moins le voyage fort coûteux. Les blancs payaient alors 500 francs, les noirs 50 francs seulement, pour une distance de 400 kilomètres.

En 1900, l’évêque alla fonder, sur les bords de l’Alima, la mission de Saint-François-Xavier, dirigée par trois religieux. Ceux-ci, peu de temps après, eurent à subir l’assaut des sauvages qui les blessèrent assez grièvement avec leurs sagaies. Il se manifestait, à ce moment, parmi les indigènes, un mécontentement général contre les blancs. Ce mécontentement tenait à diverses causes, dont plusieurs subsistent encore à l’heure actuelle. Au lendemain de Fachoda, le gouvernement français, déçu dans ses aspirations, avait résolu de se consacrer exclusivement à l’exploitation commerciale et agricole de notre colonie et, encouragé par l’exemple du roi Léopold, il avait partagé les 19 vingtièmes du Congo, encore à peine exploré.