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Le P. Augouard avait déjà fait plusieurs voyages entre Brazzaville et Saint-Louis quand, abattu par la fatigue et la dysenterie, il dut aller chercher un peu de repos en Europe, mais la terrible route de Loango acheva de l’épuiser : quand il s’embarqua pour Marseille, les médecins désespéraient de le sauver. Son vigoureux tempérament triompha cependant du mal et, l’année suivante, il put prendre la direction du vicariat du Haut-Congo dont il était nommé évêque. La Propagande venait, en effet, de scinder en deux l’immense diocèse de Mgr Carrie, et Mgr Augouard allait avoir sous sa juridiction tout le territoire français arrosé par l’Oubanghi, le Congo et leurs affluens à partir de la rivière Djoué.

Aussitôt de retour, le nouvel évêque acheva d’installer l’établissement destiné à devenir le centre de sa mission, faisant défricher le sol, percer des routes, créer des plantations et des cultures, élevant des animaux de ferme et cherchant à acclimater quelques bestiaux. L’explorateur Dybowski s’étonnait de voir le poste administratif, dépourvu de tout, obligé de faire venir d’Europe du riz et autres produits coûteux, tandis que « la mission catholique possède un jardin potager attenant à de grands champs de culture où tous les légumes européens sont produits en abondance et poussent avec une telle vigueur que leur développement complet s’achève en moitié moins de temps qu’en Europe : c’était toujours fête, au poste, quand les missionnaires voulaient bien y envoyer quelques paniers de légumes[1]. » Il faut croire que les choses n’ont guère changé depuis lors, car, en 1909, M. Challaye, peu suspect de tendresse pour les missionnaires, écrivait dans son livre sur le Congo français : « Il est étonnant que la Mission catholique et deux ou trois maisons de commerce possèdent toutes, à Brazzaville, des jardins fruitiers ; les fonctionnaires et les colons sont trop insoucians ou trop égoïstes pour en créer à l’intention de leurs successeurs. »

Mgr Augouard occupa aussi l’année 1892 à construire une cathédrale et une maison de religieuses, ou quatre sœurs de Saint-Joseph de Cluny groupèrent bientôt une quarantaine de petites négresses soustraites par le P. Allaire à la marmite des cannibales. Cet intrépide missionnaire, dont la mort (en 1897) fut une si grande perte pour la communauté de l’Oubanghi, avait

  1. J. Dybowski, la Route du Tchad (1893).