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Parti le 4 avril 1881 et amené à Banana (à l’embouchure du Congo) par un paquebot anglais, il se rendit, de là, à Borna aujourd’hui capitale du Congo belge, puis à Vivi (à 160 kilomètres de la côte) où la navigation fluviale se trouve interrompue par la formidable barrière de 32 cataractes qui, jusqu’à Stanley, avait arrêté tous les explorateurs venus dans ces régions. Durant quatre mois, le P. Augouard parcourut le pays en tous sens, cherchant la meilleure voie pour atteindre cette vaste expansion du Congo qui a reçu le nom de Stanley-Pool et tâchant de recruter les porteurs qui devaient se charger des marchandises indispensables pour se procurer des vivres le long de la route. Peines perdues : d’une part, les caravanes venant de l’intérieur refusaient d’emmener un blanc ; de l’autre, aucun Congolais de la côte ne se souciait d’accompagner le missionnaire dans des régions inconnues peuplées de tribus anthropophages. En effet, les nègres de la côte, qui se considéraient comme très civilisés, ne parlaient alors qu’avec terreur ou mépris des nègres de l’intérieur. Ainsi Mgr Augouard nous racontait qu’ayant vu les sauvages de l’Oubanghi manger avec plaisir du serpent, il avait voulu en goûter à son tour et avait ordonné au cuisinier de la mission de lui en servir. Ce cuisinier, un Congolais du littoral, commença par faire la grimace. Obligé d’obéir, malgré sa répugnance, il se vengea en répétant partout que son maître, mangeur de serpens, ne pouvait être qu’um blanc de l’intérieur !

De fait, non seulement les noirs du littoral étaient, dès cette époque, plus civilisés que ceux du Haut-Congo, mais on retrouvait chez eux des traces de la doctrine chrétienne prêchée à leurs ancêtres par des capucins portugais qui avaient aussi introduit dans le pays le maïs, le manioc et le bananier, c’est-à-dire les trois plantes dont les habitans tirent actuellement leur subsistance. Les Européens ayant été chassés du Congo, les indigènes revinrent peu à peu au fétichisme et à la sauvagerie. Cependant, beaucoup d’entre eux conservaient encore certains usages chrétiens, tels que le signe de la croix. Il était assez facile de leur expliquer le sens des pratiques religieuses dont ils avaient gardé la routine. Les Pères du Saint-Esprit établis depuis peu à Boma, à Saint-Antoine, à Banana s’y employaient de leur mieux et le P. Augouard put lui-même baptiser bien des enfans durant le séjour qu’il fit dans ces maisons. Ce fut pour