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moindre que les arrêts de non-lieu, d’incompétence ou de simples condamnations correctionnelles, qui terminèrent beaucoup des 237 affaires de cette catégorie.

En somme, le fait essentiel qui ressort de cette enquête nous paraît être l’évidente constatation des graves imperfections de la loi de 1815 et des funestes résultats qu’elles entraînèrent dans la pratique.

Tout le système de la justice prévôtale fut faussé par l’absence d’une pièce essentielle : le contrôle de la Cour de Cassation. De là ces fâcheux exemples d’incorrections de procédure auxquelles remédia imparfaitement le pourvoi dans l’intérêt de la loi du garde des Sceaux, de là les divergences de jurisprudence entre les Cours, de là enfin l’exécution précipitée d’arrêts d’une rigueur excessive dont les condamnés ne pouvaient même pas discuter la régularité devant la Cour suprême.

Non moins déplorable avait été le refus de restituer au souverain l’exercice entier du droit de grâce, indispensable pour corriger les erreurs ou les entraînemens des magistrats.

Il est toujours singulièrement périlleux de confier à des juges un tel pouvoir discrétionnaire, surtout en des temps troublés où leur conscience se trouve assaillie par des passions ou des craintes que pourrait seul leur faire surmonter un héroïque sentiment du devoir. Mais, par surcroît, quels étaient les juges qu’on avait choisis ? Des officiers, dont beaucoup étaient d’anciens émigrés, ignorans des règles et des méthodes de la justice criminelle, dépourvus par conséquent de cette discipline d’esprit particulière que donne l’expérience d’une profession aux plus médiocres de ceux qui l’exercent ; de modestes magistrats de première instance, incertains de leur carrière en présence des suspicions d’un pouvoir nouveau et fréquemment influencés par les préventions locales dans les régions auxquelles les rattachaient leurs origines ou leurs liens de famille. On ne peut être surpris que leurs épaules aient parfois plié sous le fardeau dont un législateur imprévoyant les avait chargées.

Et pourtant, il est rare qu’une institution, si mauvaise soit-elle, produise tout le mal qu’elle pourrait entraîner. Dans une certaine mesure, la justice prévôtale fut tempérée par les instructions modérées du ministère de la Justice et par l’esprit