Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

exceptionnelle rigueur, on ne trouve que l’accusation d’organisation d’une bande armée dite « les vautours de Bonaparte, » qui avait « désarmé » un cultivateur et s’était portée chez deux autres pour les « désarmer. » Les accusés étaient des gens fort modestes : meuniers, garçons de moulin, ouvriers, anciens soldats et cette affaire a conservé un air de mystère singulièrement troublant.

Dans l’Yonne, les troubles occasionnés par la disette des grains en mai et juin 1817, — particulièrement graves, il est vrai, — entraînèrent 3 condamnations à mort, — dont celle d’une femme, — et 25 condamnations aux travaux forcés ou à la réclusion.

À côté de ces arrêts connus et signalés par la plupart des historiens, on peut en noter encore qui semblent inspirés par des passions politiques singulières. C’est ainsi que, le 26 avril 1816, la Cour prévôtale du Loiret acquitta quatre soldats déserteurs coupables de rébellion dans la nuit du 22 au 23 juin 1815 contre des gendarmes qui voulaient les arrêter : au cours de cette lutte, un des gendarmes avait été tué et un autre blessé. Ces militaires, supposés excellens royalistes par les juges, n’avaient fait, déclara la Cour, qu’obéir à l’ordonnance rendue par Louis XVIII à Lille le 23 mars 1815, prescrivant le licenciement de l’armée : ils avaient donc l’excuse des ordres de l’autorité légitime et de la légitime défense. La Cour ne prenait même pas garde que l’ordonnance de Lille n’avait été légalement publiée dans le Moniteur que le 9 août 1815, postérieurement à l’acte reproché aux accusés.

En revanche, la Cour prévôtale de l’Yonne condamna à la déportation, le 13 juillet 1816, une malheureuse jeune fille de vingt-quatre ans, accusée d’avoir crié : « Vive l’Empereur ! À bas les Bourbons ! » « en allant à l’herbe. »

En regard de ces arrêts, il convient d’en placer d’autres, généralement ignorés, qui témoignent de modération et d’indépendance chez les magistrats qui les prononcèrent.

La Cour prévôtale de l’Ain refusa de retenir une affaire d’organisation de bandes armées où cependant, en interprétant rigoureusement la loi de 1815, sa compétence n’était guère douteuse ; sur appel du ministère public, la Cour royale de Lyon confirma cet arrêt d’incompétence, par le motif que les prévenus, pouvant dans la procédure de droit commun discuter