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Conseils de guerre ont fait reparaître l’idée de juridictions mixtes.

La correspondance du ministère de la Justice nous montre plusieurs exemples de ces désaccords entre prévôts et magistrats, indices certainement de beaucoup d’autres, qui ne dépassèrent pas l’enceinte des chambres du conseil.

Le prévôt de la Manche se plaint de l’attitude du président de la Cour prévôtale, celui du Loiret de celle du procureur général d’Orléans. Ils se trouvent d’accord avec le prévôt de la Haute-Garonne pour prétendre que la magistrature poursuit d’une malveillance systématique les Cours prévôtales. À Angers, il existe un conflit des plus violens entre le prévôt et le procureur du Roi, qui écrivent chacun au garde des Sceaux pour dénoncer leur conduite réciproque : tantôt le prévôt agit d’office contre l’avis du procureur, tantôt il se refuse à instruire sur les réquisitions de celui-ci.

On doit noter que dans toutes ces affaires, le ministère de la Justice se rangea invariablement du côté des magistrats civils et rappela toujours aux prévôts soit la modération qu’ils devaient apporter dans leurs fonctions, soit la déférence qu’ils devaient témoigner aux présidens des Cours.

Si maintenant, quittant ces questions de personnes, nous examinons à un point de vue juridique le fonctionnement de la justice prévôtale, nous voyons aussitôt apparaître les conséquences pratiques de l’énorme défaut d’organisation que nous avons signalé en analysant les dispositions de la loi de 1815 : l’autonomie conférée à cette justice, en dehors de tout contrôle efficace.

Sans doute les Cours royales devaient vérifier les arrêts de compétence ; mais à cela se bornait leur mission : elles ne pouvaient ni apprécier le mérite des charges contre les accusés, ni annuler des procédures dont elles constataient l’irrégularité. Une Cour ne trouva, en ce dernier cas, d’autre moyen d’agir que de signaler au ministre de telles irrégularités, après avoir déclaré dans un arrêt qu’elle ne pouvait les réformer[1].

Quant à la Cour de Cassation, nous savons que son intervention avait été proscrite : de là, naturellement, résultèrent

  1. Arrêt de la Cour de Rouen du 30 mars 1816 et lettre du procureur général baron Fouquet au garde des Sceaux. Il s’agissait d’une procédure d’instruction du prévôt de l’Eure.