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fort naturelle, de la création d’une justice spéciale. Le garde des Sceaux se décida alors, par la circulaire précitée du 20 février 1816, à ordonner provisoirement le renvoi de ces affaires devant les Cours d’assises, la vindicte publique étant avant tout intéressée, disait-il, à une prompte répression des crimes et des délits.

Décision très justifiée assurément et dont les accusés ne pouvaient se plaindre, mais qui constituait la plus probante critique des raisons d’urgente nécessité alléguées lors du vote de la loi.

Dans beaucoup de départemens, l’installation des nouvelles Cours donna lieu à des cérémonies solennelles, où fut déployé un grand zèle monarchique[1].

Comment allait maintenant se comporter dans la pratique des affaires ce personnel composite qui mettait en présence des officiers généraux ou supérieurs et des magistrats de première instance ? N’existait-il pas une dangereuse inégalité de grade et de rang entre les prévôts et les présidens des Cours, souvent choisis parmi les vice-présidens ou même les simples juges, à défaut des présidens des tribunaux, dont un grand nombre avaient été écartés soit pour des raisons politiques, soit pour des raisons de convenances personnelles ? Et ne fallait-il pas craindre l’inexpérience des juges militaires ?

Le garde des Sceaux avait eu le tort d’adresser aux présidens, prévôts et procureurs du Roi une circulaire, — en date du 12 janvier 1816, — dont les termes solennels et imprécis étaient de nature plutôt à exciter l’ardeur des magistrats qu’à les fixer sur la nature exacte de leurs attributions. Il fallut bientôt reconnaître qu’une direction plus ferme devait être donnée à la justice prévôtale, mal assurée des voies qu’elle avait à suivre.

C’est à quoi s’appliqua le ministère de la Justice et, en particulier, le directeur des affaires criminelles et des grâces, M. Le Graverend, criminaliste distingué, auquel ressortissait le soin de la correspondance pour les affaires prévôtales : on ne peut que rendre hommage à l’esprit équitable des instructions ministérielles,

  1. Voyez, comme exemple d’une de ces installations, celle de la Cour prévôtale de Laon, décrite dans l’ouvrage du président Combier : la Justice criminelle à Laon pendant la Révolution, t. II, in fine.