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juridiction empruntait son nom au titre de ce magistrat militaire. Les prévois devaient être du grade de colonel au moins et, de fait, on les choisit même souvent parmi les maréchaux de camp et les lieutenans généraux. Quelles étaient cependant les attributions légales de ces officiers d’un rang élevé ? Rien d’autre que celles de juges d’instruction, et nous verrons ultérieurement combien le ministère de la Justice se montra préoccupé de ne pas permettre aux prévôts de franchir les limites de cette fonction purement judiciaire. Encore les prévôts, sauf le cas de flagrant délit, ne pouvaient-ils procéder aux opérations de l’instruction qu’avec le concours obligatoire d’un des juges civils, nommé assesseur.

On ne saurait rien imaginer de plus déconcertant qu’un tel système. Le Code de 1808 avait bien appelé des juges militaires à siéger dans les Cours spéciales, mais il avait laissé l’instruction soumise à toutes les règles du droit commun et confiée aux juges civils ordinaires. Cette procédure était parfaitement logique. Car si l’on conçoit fort bien que des officiers soient aussi aptes que des jurés à se prononcer sur les questions de fait que soulève un procès criminel, en revanche la tâche délicate de l’instruction exige des qualités et une pratique professionnelle que la meilleure volonté ne remplace pas. Dans la procédure nouvelle, personne ne semblait à sa place. À supposer même les prévôts toujours choisis avec le plus sûr discernement, pourrait-on empêcher ces officiers de souffrir de tous les inconvéniens d’une situation fausse vis-à-vis des magistrats qu’on leur donnait pour collègues et vis-à-vis du public ? On risquait d’accréditer l’opinion qu’on avait choisi des juges militaires pour une besogne qu’on n’osait confier à des juges civils et par là de frapper de suspicion l’instruction des affaires prévôtales, fût-elle d’ailleurs régulière et impartiale.

C’étaient là de bien gros inconvéniens pour balancer l’effet moral douteux qu’on paraissait espérer de la seule présence d’un magistrat militaire.

À vrai dire, il semble qu’une autre raison dut exercer une influence encore plus forte sur la Chambre royaliste de 1815 : en ressuscitant le « prévôt, » on avait l’illusion de faire revivre une institution de l’ancien régime. Avant 1789, les officiers supérieurs de la « Maréchaussée, » — nous dirions en langage moderne de la gendarmerie, — en dernier lieu au nombre