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ordonnait de procéder à leur exécution dans les vingt-quatre heures, sauf recommandation par la Cour elle-même d’un condamné à la clémence du Roi. Sur ce point, l’assemblée ne fit que maintenir la règle établie par la loi du 18 pluviôse an IX et le Code d’instruction criminelle de 1808 (art. 595, 597 et 598) à l’égard des arrêts des Cours spéciales : elle n’eut d’autre tort que de repousser un amendement de M. Hyde de Neuville, qui réservait le droit de grâce du Roi dans tous les cas[1],

Mais il nous faut arriver maintenant à des innovations qui méritent de sévères critiques.

Rien n’eût été plus essentiel, vu la gravité des attributions confiées aux nouvelles Cours, que de choisir comme juges prévôtaux des magistrats d’un rang élevé, dont l’expérience et l’autorité personnelle auraient rassuré l’opinion publique, en même temps qu’elles auraient donné à la justice le prestige désirable. Ce fut tout le contraire qu’on fit. Alors que les Cours spéciales du Code de 1808 se composaient de cinq magistrats des Cours d’appel ou des tribunaux de première instance, c’est-à-dire des magistrats mêmes siégeant à la Cour d’assises, auxquels s’adjoignaient trois officiers, du grade de capitaine au moins, les Cours prévôtales devaient comprendre simplement cinq magistrats de première instance, pris dans le tribunal du lieu où la Cour était établie, et un officier, dénommé prévôt, dont nous examinerons tout à l’heure les attributions. N’était-il pas tout à fait déconcertant de voir transformer en juges souverains, appelés à prononcer sans recours, même en cassation, des peines criminelles et des sentences capitales, de modestes magistrats, qui, sortis de l’audience prévôtale, ne pouvaient plus condamner un prévenu à une simple amende correctionnelle, sans que leur jugement fût susceptible d’appel ? M. Duplessis de Grenedan avait prononcé à cet égard, au cours des débats, des observations pleines de force et de bon sens, qui ne furent pas écoutées.

La seule adjonction du prévôt suffisait-elle donc à donner à ce tribunal sans éclat une autorité particulière ? On doit supposer que telle était la pensée des auteurs de la loi, puisque la nouvelle

  1. Il est donc tout à fait excessif de parler, comme le fait M. de Vaulabelle, t. IV, p. 149, du « délire furieux qui emportait la Chambre, » à propos d’un vote qui ne faisait que maintenir les dispositions de la législation existante. M. de Vaulabelle ignorait évidemment les précédens juridiques de la question.