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maréchaux, » abolie en 1790. Les juridictions prévôtales, malgré l’autorisation de la Charte, n’avaient pas été rétablies par la première Restauration, mais on avait estimé, après quelque hésitation, que la disposition de l’article 63 n’était pas incompatible avec le maintien des « Cours spéciales, » instituées, à titre de juridiction ordinaire, par les articles 553 à 599 du Code d’Instruction criminelle de 1808, qui avaient, dans un dessein de sécurité publique, enlevé au jury la répression de certains crimes. Ces Cours spéciales, comprenant, à côté de juges civils, trois juges militaires, s’étaient trouvées complètement désorganisées par les changemens de garnison, puis par le licenciement de l’armée et les mises en demi-solde après les Cent-Jours. À l’automne de 1815, leur existence n’était plus que théorique, et leur reconstitution eût exigé de longs délais[1].

Telle étant la situation, l’accord s’établit entre le gouvernement et la commission de la Chambre chargée de l’examen du projet de loi sur les cris séditieux au sujet de la nécessité de créer des Cours prévôtales : cet accord fut constaté par un préambule ajouté au texte de cette loi dont M. Barbé-Marbois donna lecture dans la séance du 24 octobre 1815.

Il est à noter que le parti royaliste modéré, en minorité dans la Chambre de 1815, mais qui pourtant y figurait, accepta sans difficulté cet établissement des Cours prévôtales. Ce fait ressortit, lors de la discussion, du choix des deux commissaires du Roi, M. Cuvier, l’illustre naturaliste, alors conseiller d’État et M. Royer-Collard.

Aussi, tant à la Chambre des députés qu’à la Chambre des pairs, les débats furent brefs et sans grande animation. Si quelques orateurs ne donnèrent au projet qu’une adhésion conditionnelle, motivée par son caractère temporaire, il ne se trouva qu’un seul député, M. d’Argenson, pour en combattre le principe, en termes assez timides, et un seul pair, dont le Moniteur ne nous donne pas le nom, pour affirmer son opposition dans un langage beaucoup plus catégorique. La discussion à la Chambre, durant les deux séances des 4 et 5 décembre, ne porta donc que sur des détails de procédure et de compétence et la Chambre des pairs vota le projet sans modification le

  1. Voyez à ce sujet la réponse du garde des Sceaux à M. Blondel d’Aubers, député du Pas-de-Calais, dans la discussion du projet de loi sur les cris séditieux (Séances des 27 et 28 octobre 1815).