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des Retté, des Guérin, des Jammes, révèle que, lorsque les erreurs, les curiosités, les tourmens d’âme, pour lesquels l’humanité a mérité d’être chassée du Paradis terrestre, viennent se reposer, à bout de forces, dans les apaisemens de la foi, dans les extases du mysticisme, ces contrastes offrent à la poésie une matière admirable et toujours renouvelée.

L’état d’âme d’une jeunesse, lasse d’errer dans les chemins de la science sans y trouver toute la certitude dont l’esprit humain a besoin, oriente, vers un horizon de foi, une élite de poètes contemporains. Que faut-il, pour que ce goût de l’Infini, qui se manifeste à nouveau dans la poésie, inspire des chefs-d’œuvre, et avons-nous le droit d’en attendre encore des poètes de l’avenir ?

Pour qu’une telle espérance se réalise, peut-être ne faut-il qu’un peu de patience.

Les raisons pour lesquelles la poésie grecque a produit, au moins au théâtre, des chefs-d’œuvre immortels, tiennent sûrement à ce que, à la minute où ils furent conçus, la Pensée et l’Action allaient de pair. Le divorce qui, chez nous, semble s’être produit aujourd’hui entre ces deux puissances souveraines, ne durera qu’un temps. On peut tout espérer pour la poésie française de l’heure où ceux qui, présentement, cherchent à atteindre l’Infini dans les chemins du mouvement et de la force, se retrouveront, au même carrefour, avec ceux qui poursuivent le même idéal dans les voies du sentiment, de l’art, — des plus hautes spéculations dont l’âme humaine se glorifie.


Jean Dornis.