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Chaque feuille morte qui tombe
Vous découvre un peu plus de ciel ;
Quand l’amour descend vers la tombe,
On voit mieux le jour éternel.


Il semble bien que toute cette ferveur du poète n’ait pas été repoussée. Le pécheur quotidien, le « docteur de péché » qui maudissait son âme incertaine et trouble finit par redevenir


… Un pauvre homme qui croit en Dieu tout simplement.


Aux suprêmes minutes où la poésie lui servit une dernière fois à extérioriser son âme, Charles Guérin ne doutait plus, il priait :


… Ô Seigneur, prends enfin en pitié ton enfant !
Son cœur comme un vitrail qu’on étoile se fend.
Sois-lui clément, permets le retour du prodigue.
Rends l’eau du ciel à la citerne, et que la figue
Encor pèse aux rameaux du figuier desséché !
Ah ! ne le laisse pas mourir dans son péché,
Cet errant qui s’enlace à ta croix et qui pleure,
Las d’avoir tant cherché l’amour qui, seul, demeure…


Moins tragique, puisque cette fois c’est dans la vie, et non pas dans la mort, que se produit l’évolution de la foi, est le retour, à la religion catholique, de M. Francis Jammes.

La caractéristique de cet artiste est, vis-à-vis de soi-même, une sincérité qui, selon les heures, prend des aspects différens sans jamais perdre le charme d’une grâce enfantine. On sent bien qu’au début de sa vie de jeune homme et de jeune poète, M. Francis Jammes a confondu l’ardeur de son sang avec celle des sèves qui montent dans la forêt. Il s’est plongé dans l’universel désir qui fait frissonner toute la création.

Dans ce temps même il laissait percer, sous cette ardeur païenne pour les beautés naturelles, une sorte de « franciscanisme attendri » dont témoignent délicieusement ses Quatorze prières : Prière pour être simple ; Prière pour que les autres aient le bonheur ; Prière pour avoir la foi dans la forêt ; Prière pour louer Dieu ; Prière pour aimer la douleur ; Prière pour allouer son ignorance ; Prière pour aller au Paradis avec les ânes

Et M. Francis Jammes ne cachait point que de l’ironie sous cette invocation :