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a trouvé le port définitif pour sa pensée et pour ses puissances d’amour :


J’ai traversé l’angoisse et connu la torture,
Seigneur, mais votre force a, chaque fois, dompté
Les émois qui troublaient ma fragile nature.
Et maintenant, soldat de votre volonté,
Ame en qui, par torrens, vos grâces sont venues,
Dans le renoncement trouvant ma volupté,
Plein d’espoir, je m’en vais vers des croix inconnues.


Désormais, celui que Édouard Schuré a nommé « l’Annonciateur » est rentré à Rome. Il y a été nommé chapelain à Saint-Louis-des-Français. Il est chargé d’un cours de littérature à l’école Chateaubriand. Il prépare un nouveau recueil dont le titre indique l’esprit : Carmina sacra.

La conversion de M. Adolphe Retté est un autre exemple des influences qu’exerce l’atavisme sur l’orientation d’un artiste habitué à vivre sur son propre fonds. M. Adolphe Retté s’est chargé de raconter lui-même le roman de son âme dans un livre qui a pour titre : Du Diable à Dieu ; Histoire d’une couversion, et auquel François Coppée mit une Préface. Les contemporains de ce poète l’avaient connu si passionné pour la liberté, voire pour l’anarchie, que ses violences littéraires lui avaient valu une condamnation politique.

Un jour il s’était appliqué à faire la synthèse des sept Péchés Capitaux avec les trois Vertus Théologales. Il s’était donné à Swinburne comme à son prophète favori ; il rêvait de fondre sur sa palette de poète « les pourpres de Heredia, les violets et les blancs de Tailhade, les haillons frissonnans de Verlaine, les gris fins de la jeunesse belge, » Il était d’ailleurs athée et matérialiste militant… « Enfin, confesse-t-il, après des culbutes réitérées dans le fumier de la débauche, de longues souffrances, des épreuves matérielles et morales de toutes sortes, je fus tiré de la voie de damnation éternelle, où je progressais au pas de course, par le plus adorable des miracles. Au moment où je désespérais de tout, même de l’Art, et où, las de me dégoûter moi-même, je rêvais de suicide, la Grâce me foudroya[1]. »

Une grande part du secret de l’évolution de M. Adolphe

  1. Extrait du Préambule placé par M. Adolphe Retté en tête de son volume : Bu Diable à Dieu.