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touchés de spiritualité, à qui l’Église avec ses traditions, son décor, apparaît comme un asile rouvert à la poésie, va succéder une génération de jeunes hommes, ceux-là orthodoxes et disciplinés comme des Eliacins, qui tenteront de faire, de la foi elle-même mise en vers, le fondement de la poésie.


IV

Les lois de la réaction n’expliquent peut-être pas toutes seules la génération, on dirait spontanée, de ces adolescens qui s’avancent dans le jardin de la poésie la plus contemporaine sous des figures d’enfans de chœur pieux, avec des lys et des encensoirs dans les mains, qui travaillent à dresser un autel où s’érigera, au-dessus des foules agenouillées, la splendeur rayonnante du Saint-Sacrement. Ces jeunes gens sortent, en effet, de l’ombre de la cathédrale. Des mains pieuses ont façonné leurs cœurs, leurs esprits. Leurs hérédités ont été fortifiées en eux par cette éducation. Ils témoignent d’une tendresse infinie, presque maladive, pour les mères qui, les premières, leur apprirent à joindre leurs mains débiles.

Vivante ou morte, c’est la mère qui parle en eux et qui leur dicte leur devoir :


… Je suis auprès de toi comme avant, je te vois !…
Ô mon enfant béni par qui je fus heureuse…
Que ton Dieu te soit tout et ton pain et ton vin ;
Ne te satisfais pas d’être bon, sois divin !…
… Va, mon fils, donne-toi sans compter, pense, agis,
Accueille tout l’espace en tes yeux élargis,
Et fais de ton cœur d’homme insatiable et tendre
Un abîme d’amour où Dieu puisse descendre[1].


Toute la douleur du monde pourrait, sans doute, se résumer pour eux, comme dans la tragique histoire de la Vierge Marie, dans l’affliction d’une mère qui pleure le fils disparu :


J’ai revu le visage usé, mais doux encor,
De celle-là qui fut ta mère, ô pauvre mon !
Et son baiser cherchait sur ma face inclinée
L’ineffable douceur de ta vingtième année…
Les autres oublieront ton sourire et ta vie
Et l’angoisse du soir où ton œil se voila.

  1. M. Robert Vallery-Radot.