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l’occupation à peu près ininterrompue de Marguerite de Cortone, sans cesse nous l’entendrons elle-même s’accuser plus impitoyablement à la fois de ses fautes passées et de sa bassesse, de son égoïsme, de son orgueil présens. Avec une pénétration psychologique tout à fait merveilleuse, chaque jour elle s’enfonce plus avant dans l’exploration de ses ténèbres intérieures, traduisant en des termes plus concrets et plus saisissans jusqu’aux nuances les plus fugitives de toutes les faiblesses et de toutes les laideurs de son humanité. Mais avec quel secret plaisir, ensuite, elle recueille et nous redit les éloges par lesquels son divin interlocuteur la console de cette souillure qu’elle découvre en soi ! « Seigneur, lui crie-t-elle, je serais si heureuse de pouvoir me retirer loin du monde et des hommes ! Mais les frères Mineurs n’y consentent pas, et ne veulent pas me permettre de me livrer à la vie solitaire ! » A quoi le Christ répond : « S’ils ne veulent pas te le permettre, c’est parce que tu es destinée à devenir une étoile qui illuminera l’univers, ramenant les égarés dans le droit chemin, et retirant les déchus des marécages du péché ! C’est parce que tu es destinée à devenir une haute bannière, sous laquelle se rassembleront tous les pécheurs afin de se diriger vers moi par les voies de la pénitence ! »

A tout moment, le Christ lui répète cette glorieuse promesse. Une « étoile, » une « grande lumière illuminant le monde, » ces mots reviennent invariablement dans les discours du Sauveur, tels que nous les transmet Marguerite par la plume de son fidèle « sténographe, » le frère Giunta Bevegnati. Ou bien encore la pécheresse reçoit l’assurance que « jamais plus le feu de l’amour ne s’arrêtera de grandir dans son âme, » qu’elle « se trouve déjà tellement confirmée dans la grâce, et tellement sanctifiée dans son âme et son corps, que jamais elle ne pourra plus être séparée de son divin Maître. » Un certain jour de la Chandeleur, Marguerite, après avoir communié, entend s’élever en elle une voix qui paraît sortir de l’hostie, et qui lui dit : « Tout de même que j’ai choisi la Très Sainte Vierge Marie pour être la mère de toute la race des hommes, tout de même je t’ai choisie pour être le miroir et la mère des pécheurs. Déjà, par un effet de ma grâce, tu as revêtu à mes yeux une beauté sans pareille ; et j’ai fait de toi une échelle de Jacob pour les pécheurs, et c’est par l’exemple de ta vie qu’ils s’élèveront jusqu’à moi ! » Et puis encore, une autre fois : « Tu es une lumière éclairant ceux qui gisent dans les ténèbres. Saint François a été la première grande lumière de l’Ordre des frères Mineurs, sainte Claire a été la seconde, et c’est toi qui seras la troisième ! Tu es une main qui s’étend vers les