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en dehors de la ville, à l’endroit où un torrent furieux se précipite avec fracas dans une gorge du Mont San Egidio, c’est là que François s’est installé avec ces deux disciples et quelques autres encore. Tout de même que les Carceri, près d’Assise, l’ermitage franciscain de Cortone n’a consisté, à l’origine, qu’en un petit nombre de grottes creusées dans le rocher. Aujourd’hui, cet endroit s’appelle Celle (les Cellules), et se trouve occupé par un couvent de capucins : mais on y montre encore la grotte qu’habitait François, et où l’on assure qu’il a écrit son testament lorsque, en l’année 1226, ses frères le transportaient, déjà mourant, de Sienne à Assise.

Un quart de siècle plus tard, vers l’an 1250, Guido Vagnotelli s’est endormi à son tour, en odeur de sainteté, dans l’une des cellules du Mont San Egidio : mais depuis cinq ans déjà, à ce moment, le plus grand nombre des frères avaient abandonné les Celle pour aller demeurer à Cortone, dans le grand monastère que le frère Elie venait d’y faire construire, avec une magnifique église nouvelle, et que l’on y voit encore aujourd’hui. Et c’est aussi à Cortone que, le 22 avril 1253, le second des disciples susdits, le moine audacieux qui, pendant quelque temps, était allé jusqu’à combattre le Saint-Siège en compagnie de l’Empereur Frédéric II, a achevé sa vie aventureuse, — réconcilié avec Dieu, et délivré de la sentence qu’avait portée contre lui le pape Grégoire IX.

Le pieux solitaire, le politique rebelle : à ces deux feuilles du trèfle franciscain que s’honore d’avoir produit la ville de Cortone s’en ajoute une troisième, sous la figure de la femme que l’on a appelée la « Madeleine » de l’ordre de Saint-François, — sainte Marguerite de Cortone. Celle-là est même la seule, en vérité, dont le nom et le souvenir soient restés vivans, à travers le cours des âges. C’est à cause d’elle que, de nos jours encore, Cortone reçoit la visite d’historiens érudits comme de pieux pèlerins. En son honneur a été élevée l’église de marbre en style pisan qui, depuis 1877, resplendit là-haut, tout au sommet de la montagne. Et chaque année, le 23 février, jour anniversaire de sa mort, Cortone se ranime joyeusement. La châsse contenant ses reliques, dans l’église somptueuse, est ouverte au large, de telle façon que chacun puisse contempler son corps momifié derrière la paroi de verre de son cercueil ; et de toute la vallée de la Chiana, de tout le pays compris entre Arezzo au Nord, Montepulciano à l’Ouest, et le lac Trasimène au Sud, les pèlerins des deux sexes accourent en foule, remplissant les étroites rues de la ville du va-et-vient de leurs accoutremens aux tons bariolés.


C’est dans une de ces étroites rues de Cortone que, un matin d’automne de l’année 1273, doux dames nobles revenant de la messe rencontrèrent une jeune femme dont la figure et la mise ne pouvaient manquer d’éveiller leur curiosité. Agée d’environ vingt-cinq ans, l’inconnue était vêtue d’une robe noire très élégante, mais salie de poussière et déchirée en maints endroits par les ronces des haies ; avec cela, les pieds nus, les épaules cachées sous un flot d’admirables