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Si on passe outre à cette illégalité et si on applique l’article 64 au demi-fou criminel, on rend une ordonnance de non-lieu et on enferme l’inculpé dans un asile. Mais, comme les médecins n’ont le droit de garder dans les asiles que les aliénés, ils font bientôt sortir le demi-fou qui reprend la vie libre dans la société et y recommence la série de ses méfaits et de ses crimes.

Au mois de juin 1907, à Béziers, un individu est arrêté pour avoir donné des coups de couteau à deux personnes dans la rue : après expertise médicale, on rend une ordonnance de non-lieu et le criminel est interné à l’asile d’aliénés de Montpellier. Quinze jours après, il est déclaré guéri par le médecin en chef et remis en liberté. Au mois d’avril suivant, c’est à coups de revolver qu’il blesse gravement un individu. Que pouvions-nous conclure de pratique dans la nouvelle expertise dont nous avons été chargé, quand nous eûmes reconnu que c’était un demi-fou à responsabilité atténuée, sinon que sa crise aiguë de folie était guérie, mais que la demi-folie chronique ne l’était pas quand on l’avait fait sortir de l’asile et rendu à la liberté sociale ?

La question se pose ainsi, angoissante, pour les fous intermittens, qui restent demi-fous dans l’intervalle de leurs accès (tel a été probablement le cas de l’ogresse Jeanne Weber), pour les épileptiques, qui sont irresponsables dans l’attaque, mais restent seulement demi-responsables en dehors et dans l’intervalle de leurs attaques.

Un alcoolique, après quelques méfaits, est examiné par un médecin, qui ne peut pas le faire interner parce qu’il est seulement demi-fou. Peu de temps après, il donne des coups de couteau à une jeune fille. On l’interne. Actuellement, il est guéri de sa crise, et la famille de la victime est terrorisée à la pensée qu’il va être rendu à la liberté.

L’internement du demi-fou criminel est donc irréalisable, illégal, inefficace. C’est une solution qui ne protège ni le malade ni la société.


On a alors voulu considérer la responsabilité atténuée comme une circonstance atténuante et appliquer à ces criminels demi-fous l’article 463 du code pénal.

Ceci n’est pas illégal.

Il faut lire dans le beau livre de M. Saleilles l’histoire de la