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de son choix. Il faut songer qu’il n’a pas, comme les Universités, la ressource toujours croissante des droits d’inscriptions, d’examens, de diplômes, de bibliothèques. Son enseignement est essentiellement gratuit. Il l’a toujours été, il doit continuer à l’être. Espérons qu’il se rencontrera tôt ou tard des Mécènes qui auront à cœur de contribuer à rendre son œuvre largement féconde. Attacher leur nom à des fondations qu’il sera chargé d’administrer, ce sera l’associer à l’histoire future de la science et revendiquer légitimement une part dans son avancement.

Cette coopération libre et c   onfiante entre la richesse et la science paraît devoir être la condition du bien dans l’avenir. L’Etat, assujetti à ses lois et à ses règlemens, embarrassé dans ses entraves administratives, lent à comprendre, lent à se mouvoir, soumis au régime des filières, des hiérarchies interminables, est une force immense, mais lourde et maladroite. Le domaine de l’esprit ne semble pas être le sien. Il y a là trop d’imprévu, trop de perpétuelle nouveauté, trop de spontanéité, et il y faut d’ailleurs trop d’à-propos pour qu’il ait chance de s’y montrer à son avantage. Les vives communications des intelligences ne sont pas son affaire. Que la science, toujours mobile et entreprenante, courant toujours d’idée en idée, ne compte pas trop sur lui, et même qu’elle se défie un peu de ses faveurs. Elle est ainsi faite qu’elle ne peut suivre ses voies qu’à la condition d’être très peu gouvernée. Née de la pensée libre, qu’elle ait confiance en la pensée, et qu’elle fasse appel hardiment aux intelligences éprises de vérité, partout où elles se trouvent.


MAURICE CROISET.