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Lévy. La médecine expérimentale s’y est constituée peu à peu avec Laennec et Magendie ; elle y a trouvé en Claude Bernard un législateur, qui en a définitivement établi l’autorité par des découvertes aussi mémorables que ses démonstrations. Dans l’ordre des lettres, le Collège n’a-t-il pas été le grand foyer où s’est formé l’orientalisme et d’où il y a rayonné sur le monde savant ? Quels noms que ceux de Champollion, de S. de Sacy, d’Eugène Burnouf, d’Ernest Renan ! Et, à côté d’eux, comment ne pas rappeler aussi tant de savans qui y ont professé le chinois, l’arabe, le persan, le turc, l’assyrien, le sanscrit, Stanislas Julien, Caussin de Perceval, Pavet de Courteille, Oppert, Barbier de Meynard, Darmesteter ? D’autre part, l’archéologie, l’épigraphic, l’histoire, la littérature, la philosophie, les sciences économiques et politiques ne sont-elles pas, elles aussi, redevables en grande partie au même établissement soit de leur essor, soit de quelques-uns de leurs progrès les plus décisifs ? Les noms ici se pressent si abondamment qu’il serait difficile et d’ailleurs superflu de les classer. Enumérons un peu au hasard ceux de Boissonade, de Guigniaut, de Letronne et de Lenormant, ceux de Jean-Baptiste Say, de Rossi, de Michel Chevalier et de Laboulaye, de Jouffroy et de Barthélémy Saint-Hilaire, de J.-J. Ampère, de Michelet, de Philarète Chasles, d’Edgar Quinet, de Mickiewicz, de Paulin Paris, de Sainte-Beuve, d’Ernest Havet, de Léon Renier, d’Alfred Maury, de Deschanel, de Boissier, de Gaston Paris. Liste bien incomplète, où ne figurent que ceux qui ont disparu, et qui pourrait cependant constituer à elle seule une page incomparable dans le livre d’or de la pensée française.

Mais ce qui doit être remarqué surtout, c’est que, si la plupart de ces maîtres, en entrant au Collège, y ont apporté une renommée déjà établie, beaucoup d’entre eux cependant semblent y avoir trouvé un accroissement sensible de leur valeur personnelle. La liberté dont ils y ont joui leur a permis d’organiser leur travail de la manière la plus profitable. On peut ajouter que l’esprit de la maison a été d’ailleurs pour eux comme un élément nouveau et fécondant qui s’est incorporé à leur être intellectuel et moral. Et, lorsqu’on y réfléchit, il n’y a rien là que de naturel. En face de nos anciennes Facultés, dispersées, dénuées de cohésion et d’autonomie, réduites au minimum de chaires, le Collège de France, dans les deux premiers tiers du XIXe siècle, était vraiment la seule Université qu’il y eût dans